Retour sur l’enchère TOKI de Phillips Hong Kong

Note: sauf mention contraire, toutes les photos sont celles issues du site Phillips.com et sont la propriété de Phillips HK


Le 22 Novembre s’est tenue à Hong Kong une enchère qui fera date dans l’histoire de l’horlogerie japonaise. La fameuse maison d’enchères Phillips a organisé une de ces ventes dont elle a le secret, mais sur un thème encore jamais vu: le Japon.

Calligraphie réalisée en direct par l’artiste Mamimozi sur une toile de 2m10×2m10 et vendue 17000€

Le nom TOKI vient du kanji 刻 dont une des significations est “le temps”. Ce caractère signifie également “graver” et vous allez voir que les deux sens sont liés: sur les horloges japonaises (les fameuses wadokei), les jours sont divisés en 12 périodes de jour et 12 périodes de nuit, chacune étant représentée par un signe du zodiaque chinois. La durée de ces périodes n’était pas fixe, mais changeait en fonction des saisons, on parle alors d’heure temporaire. Sur les wadokei, on retrouvait donc pour chacune de ces heures temporaires une petite plaque gravée du signe du zodiaque correspondant. Autrement dit, chaque gravure représentait une heure. Et comme vous l’avez deviné, ces heures temporaires étaient appelées TOKI en japonais. Vous comprenez donc maintenant pourquoi le même kanji peut être utilisé pour parler de gravure ou de temps !

Mais revenons à cette enchère sur le thème du Japon.

L’enchère s’articule donc autour du thème du Japon avec globalement quatre types de montres proposées:

  • les montres venant de collectionneurs japonais

  • les montres faites pour le marché japonais

  • les montres de marques japonaises établies

  • les montres d’horlogers indépendants japonais


Je ne m’étendrai pas sur les deux premières catégories, mais je vous invite à aller voir la page dédiée à l’enchère sur le site de Phillips pour vous faire une idée. De la simple Rolex Explorer à la Vianney Halter en passant par de la Patek “Kimono” en émail cloisonné, de la De Béthune ou des montres de poche exceptionnelles, la sélection de montres présentées ne laisse planer aucun doute sur l’excellence et le niveau des collectionneurs japonais !

Connaissant assez mal ces montres et leur marché, je préfère laisser ceux qui savent en parler. Mais il me semble intéressant de s’attarder plus en détail sur les deux autres catégories. Je vous propose donc de regarder montre par montre ce qui était proposé et d’analyser les prix qui ont été atteints.


Les montres de marques japonaises établies


Les trois grands noms de l’horlogerie japonaise étaient forcément représentés, à savoir Casio, Citizen et Seiko.

Casio

L’unique représentante de Casio est, vous vous en doutez, quand même une montre exceptionnelle puisqu’il s’agit de la référence G-D5000-9JR. Ça ne vous dit rien? Il s’agit tout simplement d’une G-Shock… en or massif 18 carats !

Sortie à 35 exemplaires pour les 35 ans de G-Shock, cette montre au doux nom de G-Shock Dream Project “Pure Gold” a été allouée via une loterie aux collectionneurs japonais en mai 2019 et, contre toute attente, elle s’est extrêmement vite vendue malgré le prix conséquent de 70 000$ et un poids de 297g, soit environ 235$ le gramme !

Vous pourriez être surpris qu’une telle montre se soit aussi bien vendue, mais vous serez alors encore plus surpris d’apprendre que celle-ci s’est vendue lors de l’enchère environ 139000€, soit un tout petit peu plus du double de son prix catalogue !

Belle performance pour cette montre qui est, je pense, la Casio la plus chère jamais vendue !

Si jamais vous avez 139000€ à investir chez Casio, sachez qu’à la place vous pouvez acheter une FW91 par jour pendant 19 ans. A vous de voir ce que vous préférez…

Citizen

Chez Citizen aussi on ne retrouve qu’une représentante mais pas des moindres: la AQ6110-10L. Comprenez par là qu’il s’agit d’une The Citizen équipée du fameux calibre à quartz 0100 donné pour une précision hallucinante de +/- 1 seconde par an. Ce modèle présente en plus un cadran en papier washi teinté à la main à l’indigo naturel, dans la ville de Tokushima, berceau de l’Aizome (teinture à l’indigo), où on retrouve les derniers artisans qui font pousser et macérer eux-même les fleurs d’indigo.

Il s’agit d’un modèle plus courant sorti fin 2022 pour le prix de 880,000¥ au Japon, soit actuellement environ 5550€ (novembre 2024). 

Celle-ci est partie pour 3400€, ce qui semble être une bonne affaire pour l’acheteur. 

Citizen ne proposant presque pas, à ma connaissance, de pièce très coûteuse ou un peu excentrique comme cette Casio en or massif, je pense qu’il était difficile de trouver une pièce qui attise la folie dépensière des enchérisseurs. On aurait pu espérer voir le tourbillon Citizen créé par Hajime Asaoka, mais ce n’était malheureusement pas le cas. Le prix reste légèrement supérieur aux estimations de Phillips, mais celles-ci étant notoirement toujours très basses, il n’y a pas grand chose à dire sur ce résultat quelconque pour Citizen.


Seiko

Sans grande surprise, Seiko est de loin la grande marque japonaise la plus représentée dans cette enchère avec pas moins de 9 pièces.


Seiko vintage

Dans les vintage proposées, on retrouve quatre modèles exceptionnels

Seikosha Tensoku

Si vous êtes déjà lecteur de Wadokei, vous connaissez cette montre. Si ce n’est pas encore le cas, je vous invite à lire cet article.

Le modèle proposé pour la vente semble être en très bon état. Il s’agit de la version tardive avec un mouvement 9 rubis. A ma grande surprise, celle-ci s’est vendue à peine au-dessus de son estimation, à environ 10000€, soit globalement le prix du marché pour ce modèle.

Après considération, la Chine n’était peut être pas le meilleur endroit pour vendre à prix record une montre destinée à l’armée impériale du Japon… 

Seiko Astronomical Observatory Chronometer

Que vous l’appeliez 45GSN, 45AOC ou Astronomical Observatory Chronometer, cette montre est un des mythes de l’histoire de Seiko ! Après la victoire de Seiko aux concours de chronométrie de Genève et Neuchâtel en 1968, l’observatoire de Neuchâtel a continué d’accepter de tester et certifier des mouvements. Seiko a donc envoyé 103 calibre 4520A et 73 ont réussi les tests très exigents de l’observatoire. Au lieu de communiquer dessus et de mettre ces mouvements dans un tiroir, Seiko a décidé de les emboîter dans une montre unique entièrement en or avec un travail de texture impressionnant sur le cadran et la carrure, alors que ces mouvements ne sont habituellement pas destinés à la commercialisation. En 1969 ce sont 25 mouvements sur 30 qui sont certifiés, puis 128 sur 150 en 1970. Il y a donc eu un total de 226 45GSN fabriquées en vendue sur une période de 3 ans. Si le sujet vous intéresse et que la langue de Shakespeare ne vous impressionne pas, je vous conseille cet article détaillé d’Anthony Kable sur le sujet.

La montre présentée pour l’enchère a été exposée quelques mois au Seiko Museum de Tokyo. Le barillet montre également des traces d’oxydation non-négligeables, les photos d’Hodinkee montrent un cadran relativement oxydé (chose que je n’avais pas vu sur les photos de Phillips). Ces détails expliquent sûrement le prix réalisé de 54000€, qui est dans la moyenne de ce qu’on peut espérer trouver maintenant pour ce mythe de l’histoire de la marque. Un résultat donc correct, mais pas particulièrement remarquable pour autant.


Grand Seiko VFA Day-date

Je crois qu’il n’est plus nécessaire de présenter la VFA. Celle-ci était la propriété de Mark Cho, de The Armoury, et se retrouvait dans le fameux livre “A man and his watch”. Le boitier semble ne pas avoir été poli mais le verre n’est pas d’origine et le cadran est marqué. La version day-date étant la moins commune et la plus recherchée, j’étais curieux de voir si la provenance de la montre allait compenser ses petits défauts.

Elle s’est vendue 27800€, ce qui est un prix très élevé pour une 6186 VFA. Mais puisqu’il est de plus en plus difficile d’en trouver en bel état, je crois que les prix vont gentiment augmenter au cours des prochaines années. Ceci étant dit, cela reste un très bon résultat, sûrement expliqué par la provenance de la montre.


Seiko Divers 6215-7000


Chaînon manquant entre la 62MAS et la fameuse plongeuse pro 6159, ancêtre de la MM300, la 6215-7000 est un des modèles de plongeuse vintage les plus appréciés des collectionneurs. Dans un très bel état, avec un insert de lunette très bien conservé et pas d’oxydation sur les index et les aiguilles (bien que je pense que l’aiguille des heures ait été re-lumée) et équipée d’un verre de rechange (celui d’origine semble être vendu avec), elle s’est vendue 7700€, soit plus ou moins le prix du marché, voire même un bon prix compte tenu de l’état et de la présence du verre d’origine.

Grand Seiko modernes


SBGW239

First en platine sortie pour les 130 ans de Seiko en 2011, cette montre également venue de la collection personnelle de Mark Cho est une pièce vraiment destinée aux connaisseurs de GS. Version platine de la fameuse SBGW033, il est intéressant de faire le parallèle entre ce modèle et la vraie First en platine de 1960, une des montres les plus rares de l’histoire de Seiko, d’autant plus que cette version moderne fait la même taille que celle d’origine et pourrait donc être considérée comme sa meilleure réédition moderne.

Son prix réalisé de 17000€ ne semble pas très impressionnant non plus, puisqu’il s’agit plus ou moins du prix qu’on peut espérer payer pour cette montre. Il s’en est vendu une à Genève en 2019 pour un petit peu plus (20000€ au taux de change actuel). Ce n’est donc pas un résultat très impressionnant, mais qui ne me surprend pas vraiment puisqu’on est quand même éloigné du style actuel de GS avec une montre petite et sobre.


SBGZ009

Masterpiece du Micro Artist Studio avec son boitier en platine gravé à la main, ses aiguilles et ses index en or blanc et son mouvement aux terminaisons exceptionnelles (anglage main, angle rentrant etc), il s’agit de ce qu’on peut espérer de mieux venant de Grand Seiko.

Vendue 80000€, elle s’est vendue lors de l’enchère pour le prix de 54000€, soit une bonne affaire pour l’acheteur mais un résultat décevant pour la marque, surtout pour une vente dans une maison d’enchère où l’on est habitué d’avoir des prix bien au-dessus des prix du marché !

Credor

GBLR99 aka Eichi I

Si la Credor Eichi II est maintenant très connue des amateurs, l’Eichi I sortie en 2008 à seulement 25 exemplaires est beaucoup plus confidentielle. Plus petite, avec son cadran plus complexe en porcelaine fait par la fameuse maison Noritake, son mouvement en maillechort et plein d’autres détails uniques, il s’agit d’un modèle que l’on ne voit presque jamais proposé à la vente et qui surclasse la version actuelle de l’Echi au moins par sa rareté, mais aussi par ses détails selon à quel collectionneur vous demandez !

Et le prix réalisé par cette montre est probablement la plus grosse surprise de cette vente aux enchères, puisque le marteau s’est abattu pour le prix d’environ 216000€ !

Pour information, le prix de la Credor Eichi de 2008, au taux de change actuel, était d’environ 37000€.

Le résultat obtenu par cette Eichi signe le caractère mythique et rarissime de cette version déjà extrêmement prisée des collectionneurs et la fait définitivement entrer dans le panthéon des montres japonaises !


GBLQ998

La Credor Sonnerie fait partie des montres les plus intrigantes et complexes jamais proposées par Seiko. Avec son mouvement squelette logé dans une version miniature d’un orin japonais (ou bol bouddhiste), ce modèle Spring Drive sorti en 2006 est toujours au catalogue (contrairement à la répétition minutes). Son prix n’a pas changé et flirte avec les 139000€. Le prix réalisé lors de l’enchère de 77000€ n’est donc pas un signal très positif. Cette enchère aura donc fait un heureux, mais c’est clairement pas le vendeur qui avait acheté cette montre il y a seulement trois ans… Et vu le prix réalisé par l’Eichi, le fait que ce soit un Spring Drive ne suffit pas à expliquer ce résultat un peu décevant !

GCBY997

Encore un nom pas très sexy, mais comme vous le savez déjà, c’est une spécialité des japonais… À cette référence digne de Star Wars, je préfère son nom officieux Ryusei Raden. Ryusei veut dire météore ou étoile filante et Raden est le nom de la technique d'incrustation de nacre dans de la laque.

Cette belle Credor équipée du calibre 68 ultra fin et de ce magnifique cadran est une édition limitée de 60 pièces sorties en 2023 et proposée à environ 10400€ au Japon. Le prix réalisé de plus de 26000€ est donc une belle surprise, peut être expliquée en partie par le fait que cette montre appartenait également à Mark Cho. Il peut tout de même sembler surprenant qu’un modèle simple et très récent se vende 2,5x le prix du neuf quand la Sonnerie s’est vendue pour la moitié de son prix catalogue !

Voilà qui clôture donc les résultats obtenus par les grandes marques japonaises. Si la Casio et la Credor Eichi sortent du lot pour leurs prix extrêmement hauts réalisés, le reste est plutôt en demi teinte, avec surtout la VFA et la Credor Ryusei Raden de Mark Cho qui réalisent de bons prix, et des prix moyens voir bas pour le reste, les deux grandes surprises étant pour moi la Credor Sonnerie et la Grand Seiko Masterpiece. Au moins, on est sûr que Seiko ne fait pas comme les grandes marques Suisses et ne truque pas les enchères en achetant eux-mêmes les montres pour faire grimper les prix artificiellement !


Passons maintenant aux horlogers indépendants.



Les montres d’horlogers indépendants japonais




Precision Watch Tokyo

Je vais commencer par parler de Hajime Asaoka, car même si aucune montre présentée ici ne porte son nom sur le cadran, il est derrière 6 lots présentés lors de la vente.

Etant un des pionniers des horlogers indépendants japonais, son nom vous dit sûrement quelque chose. Bien qu’il ait fabriqué des tourbillons exceptionnels en son nom et pour Citizen, il a été plus largement connu depuis la création de sa marque bien plus abordable: Kurono Tokyo.

Il est aujourd’hui à la tête de Precision Watch Tokyo, ou PWT pour les intimes, une entreprise qui regroupe 4 marques: Hajime Asaoka (sa marque indépendante très haut de gamme), Otsuka Lotec créée par Jiro Katayama (qui vient de recevoir le prix Challenge du GPHG), Takano, une marque historique japonaise qui appartient maintenant à Ricoh mais pour laquelle PWT a obtenu une license pour utiliser le nom, et Kurono Tokyo qu’on ne présente plus.

Kurono Tokyo Grand Niji

Kurono Tokyo a présenté un modèle unique nommé Grand Niji et il s’agit de la première Kurono avec un boîtier en or. Son cadran est fait en laque par l’artiste Megumi Shimamoto avec qui la marque a déjà collaboré. La technique utilisée permet, après application de plusieurs couches, d’obtenir un rendu arc-en-ciel pailleté absolument hypnotisant !

Avec un prix de presque 28000€, je pense qu’il s’agit d’un bon signal pour la marque habituée plutôt à des montres en acier d’un prix habituellement bien plus contenu. Je dois dire que je m’attendais à un prix un peu plus élevé, mais cela reste un bon résultat compte tenu du calibre basique utilisé et le positionnement habituel de la marque.


Kurono Tokyo Chronograph 2

La seconde Kurono de l’enchère n’était pas fournie par la marque puisqu’il s’agit du Chronograph 2 sorti en 2021. Ce chrono automatique de 38mm équipé du classique mouvement Seiko/Time Module NE86 et qui reprend le style reconnaissable de la marque s’est vendu environ 5400€, soit un prix élevé mais pas pour autant délirant lorsque l’on sait que les chrono de la marque se négocient plutôt entre 3 et 4000€ habituellement.

Takano Chateau Nouvel

Hajime Asaoka a annoncé il y a peu qu’il relançait la marque Takano, endormie pour la plus grande partie de ces 60 dernières années. Le style se rapproche beaucoup de Kurono Tokyo, avec probablement la volonté de montrer la patte d’Asaoka dans le design, mais le positionnement n’est clairement pas le même. Avec un boîtier au polissage zaratsu et une certification de l’observatoire de Besançon pour le calibre Miyota embarqué, le nouveau chronomètre sera proposé à la vente au prix de 5500€ environ au Japon.

Le modèle unique proposé aux enchères est équipé d’un cadran rose d’une couleur appelée au Japon toki-iro, littéralement la couleur de l’ibis japonais. Vous remarquerez que l’ibis en japonais se prononce toki, homonyme de l’enchère du jour.

Et grande surprise, cette montre s’est vendue un peu plus de 26000€ ! Voilà qui fera une bonne pub pour la nouvelle marque de l’écurie d’Hajime Asaoka !


Otsuka Lotec

Otsuka Lotec est une jeune marque avec le vent en poupe ! Lorsque j’ai découvert cette marque il y a environ deux ans, Jiro Katayama faisait encore ses montres seul dans son petit atelier du quartier d’Otsuka, à Tokyo, comme il le faisait depuis 2008. Peu ou pas d’infos en ligne, des montres dispo occasionnellement, au fur et à mesure qu’elles sont faites, et qui semblent se vendre très vite, et évidemment aucune communication en anglais.

Il s’avère qu’en 2022, je ne fus évidemment pas le seul à découvrir cette marque ! 

Jiro Katayama
Credit: otsuka-lotec.com

C’est cette année-là que Hajime Asaoka découvre le travail de Katayama-san et décide d’investir dans la marque. Jiro Katayama continue à travailler sur les protos dans son atelier et supervise maintenant la production des horlogers de PWT. Malgré la difficulté à obtenir des montres (il faut être résident japonais et avoir une carte bancaire japonaise pour participer au tirage au sort), la marque a prit en popularité en 2023 grâce à Swiss Watch Gang puis encore en 2024, jusqu’à remporter le Prix Challenge du GPHG cet automne.

C’est dans ce contexte favorable que trois montres sont présentées aux enchères.



N°6 Shinonome

Son nom signifie le ciel juste avant l’aube. Il s’agit du modèle N°6 (récompensé au GPHG) avec un cadran semi transparent et un boitier traité noir. Le modèle de base, équipé d’un Miyota et d’un module fait maison, coûte approximativement 2800€ au Japon. Mais il semblerait que le prix remporté au GPHG ait boosté le résultat de cette vente puisque cette pièce unique proposée spécialement pour l’enchère s’est vendue près de 65000€ !!!

N°6

En plus de la version Shinonome, une N°6 classique a été mise en vente par son propriétaire originel qui l’avait achetée au mois d’avril cette année et qui a réussi une sacrée bonne affaire puisque celle-ci s’est vendue un peu plus de 57000€ !!!

N°7.5

Enfin, une troisième Otsuka Lotec d’août 2023 a été proposée à la vente. Il s’agit cette fois-ci d’un modèle au look différent mais qui suit le même principe: un classique Miyota coiffé d’un module maison. Et bien que le prix soit bien moins élevé que les deux N°6 que l’on vient d’évoquer, celle-ci s’est tout de même vendue 20000€, soit près de 10x son prix originel de 2200€.

C’est donc un carton plein pour Otsuka Lotec qui continue une année mémorable après sa victoire au GPHG ! Clairement une des bonnes surprises de cette enchère !


Je conclurai cette partie articulée autour des marque d’Hajime Asaoka en précisant que, sous l’impulsion de Jiro Katayama, l’intégralité de l’argent généré par la vente des trois montres fournies par Precision Watch Tokyo (les trois autres viennent directement de collectionneurs) sera utilisée pour aider l’industrie de la laque de Wajima qui a été gravement touchée par un tremblement de terre le 1er Janvier 2024. 


Naoya Hida type 1D-2

Naoya Hida est quelqu’un de très connu dans le monde de l’horlogerie au Japon puisqu’il travaille dans ce milieu depuis 1990. C’est avec presque 30 ans d’expérience, d’abord dans la vente et le marketing, puis dans la distribution pour FP Journe et Ralph Lauren Watch, qu’il lance sa marque en 2018. Très appréciée des collectionneurs, sa petite production de quelques dizaines de montres par an s’arrache, au point que les attributions sont faites par un système de loterie ! 

Kosuke Fujita, horloger, Naoya Hida, CEO et créateur de la marque, Keisuke Kano, graveur
Crédit: naoyahidawatch.com

Le modèle présenté ici n’est pas une pièce unique à proprement parler, il s’agit du modèle 1D-2, mais le vainqueur de l’enchère pourra faire personnaliser sa montre avec une gravure unique, en collaboration avec Keisuke Kano, le graveur de la marque.

Si vous faites partie des 5 heureux élus qui auront le droit d’acheter une 1D-2 directement auprès de la marque en 2024/2025, cela vous coûtera environ 36600€. Et visiblement, il y avait du monde qui se bousculait au portillon puisque celle vendue par Phillips est partie pour un peu plus de 77000€ ! Signe, s’il en fallait, du succès de cette belle marque japonaise auprès des collectionneurs !


Je conclurai enfin avec mes deux chouchous, ou plutôt mes trois chouchous !


Masahiro Kikuno

Le premier est quelqu’un que j’admire depuis des années, et il est de loin mon horloger préféré: Masahiro Kikuno. Malgré son jeune âge, c’est le premier indépendant Japonais, puisqu’il exerce depuis 2011 et a rejoint l’Association Horlogère des Créateurs Indépendants en 2013. Il s’est fait connaître entre autres avec sa Wadokei Revision, une version modernisée des wadokei, pour la première fois en montre-bracelet. Mais comme ça ne suffisait pas, il fait tout à la main, selon les techniques d’époque ! 

Masahiro Kikuno
Crédit: europastar.com

Il a présenté deux montres à l’occasion de TOKI.

Masahiro Kikuno Tourbillon 2012

Voici tout simplement la première montre que Masahiro a vendu en 2012. Un collectionneur, conquis par le travail de Kikuno-san, avait acheté lors de Baselworld 2012 une paire de tourbillons: le premier en argent, le second en or rose. Alors que le collectionneur était trop attaché à sa montre pour vendre la version en argent, Kikuno-san a d’abord refusé de séparer la paire, mais le collectionneur en question a insisté pour que Masahiro vende celle en or rose afin de pouvoir financer son travail sur de prochaines créations.

C’est donc une pièce exceptionnelle et à la valeur sentimentale très élevée qui fut proposée ici, accompagnée d’une livre photo qui retrace toutes les étapes de la fabrication de la montre, toujours selon les techniques des horlogers de jadis.

C’est avec grand plaisir que j’ai pu constater que je ne suis évidemment pas le seul à admirer le travail de Masahiro Kikuno, puisque malgré une estimation très pessimiste située entre 23 et 46000€, alors que l’horloger en demandait 90000€ en 2012, elle s’est vendue pour la rondelette somme de 278000€ !! Une très belle réussite pour cet horloger peu connu mais très apprécié des amateurs d’horlogerie japonaise !!

Masahiro Kikuno SO

La deuxième pièce qu’il a proposé pour l’enchère est très différente de la première. Contrairement à ses habitude, Masahiro a cette fois-ci réalisé cette montre sur la base d’un calibre Seiko NH34 et a pour la première fois utilisé une CNC pour l’assister dans la fabrication du module de carte du ciel et pour la fabrication du cadran. Mais pourquoi passer d’un travail manuel ancestral à la CNC? Et bien tout simplement parce que Masahiro enseigne maintenant dans l’école horlogère de Tokyo et qu’il souhaitait apprendre à ses étudiants à travailler avec une CNC. Il a donc réalisé une montre pour lui, facile à porter au quotidien, et une seconde pour l’enchère. Mais il précise bien qu’il ne compte pas continuer à proposer ce genre de produit, puisqu’il préfère évidemment le travail manuel, plus long et difficile, mais plus beau au final.

Cette montre estimée entre 580 et 2100€ s’est finalement vendue… 105000€ !!!

Etonnant quand on voit qu’il s’agit d’un simple mouvement Seiko et d’un module fait à la CNC, mais cela montre le statut qu’à obtenu Masahiro Kikuno au fil des années, et je ne peux que me réjouir pour lui ! 


Ces résultats obtenus par le jeune horloger originaire d’Hokkaido laissent entrevoir un avenir serein pour lui et une vraie reconnaissance de la communauté horlogère pour son travail hors du commun !

Masa’s Pastime

Je conclurai avec l’horloger indépendant peut-être le moins connu pour l’instant sous nos latitudes, et pourtant pas des moindres: Masa Nakajima.

Je ne m’étendrai pas trop sur le sujet puisque j’ai eu le plaisir d’aller à sa rencontre lors de mon dernier voyage à Tokyo et que je vous prépare un article sur le sujet qui paraîtra dans le premier numéro de Wadokei Magazine !

En quelques mots, Masa est passé de plongeur professionnel à brocanteur puis à horloger, un parcours plutôt atypique ! Sa boutique située dans le quartier de Kichijōji, à Tokyo, s’est développée en proposant des services d’horlogers, la vente de montres de poches, mais également la possibilité de transformer des mouvements de poche en montre bracelet, en faisant tout sur place. Et depuis peu, il a également lancé la fabrication de mouvements maison et de montres sous sa propre marque Masa&Co. Et comme vous vous en doutez, le “&Co” fait référence à toute une équipe d’horlogers, décorateurs et graveurs qui travaillent avec lui au quotidien !

Masa’s Pastime répétition minutes

La première montre proposée fait encore partie de la collection de Mark Cho, l’homme de l’ombre de cette enchère Phillips. Il s’agit d’une commande qu’il a passé à son ami de Kichijōji pour emboîter un mouvement à répétition minutes de A. Golay-Leresche & Fils du XIXe siècle, avec son cadran en émail, le tout dans un boîtier de montre-bracelet.

Masa se focalisant maintenant sur sa nouvelle marque, il n’est plus possible de demander la personnalisation de montre bracelet sur base de mouvement de poche, il s’agissait donc là de la dernière occasion pour qui que ce soit de mener ce genre projet au bout avec Masa et son équipe. En effet, la montre n’est équipée pour l’instant que d’un boitier prototype et non pas du boitier final en or blanc que Mark Cho avait imaginé.

Cela n’a pas empêché la montre d’atteindre le prix de 46300€, un score plus qu’honorable pour cette montre atypique que l’heureux possesseur pourra finir de personnaliser dans le fabuleux atelier de Kichijōji ! Un très bon début pour Masa et son équipe !


Masa&Co Nayuta Model A - TOKI

Parmi la brillante équipe de Masa se trouve le jeune horloger Nayuta Shinohara, entre autres vainqueur du prestigieux Walter Lange Watchmaking Excellence Award en 2020.

Masa a décidé de montrer la confiance qu’il donne à Nayuta et lui a laissé libre court pour la création d’un modèle de son choix pour inaugurer la marque Masa&Co.

Nayuta Shinohara
Crédit: masaspastime.com

C’est ainsi qu’est sorti en 2023 le modèle Nayuta, du prénom de son concepteur, fruit du travail conjoint du jeune Shinohara-san et de ses collègues de l’atelier.

Le modèle proposé pour l’enchère reprend le mouvement maison et le design du modèle Nayuta A, mais avec un cadran sublime gravé à la main par le graveur de l’atelier.

Encore une fois, je ne m’étendrai pas plus ici puisque l’article prévu pour le premier numéro de Wadokei Magazine reviendra sur le sujet dans les moindres détails !

En tous cas, j’ai été ravi de constater le succès de cette pièce qui s’est vendue presque 68000€, soit bien plus que les 45000€ du modèle que propose la marque. Un très beau score pour cette jeune marque qui mérite qu’on parle d’elle et dont on devrait entendre parler de plus en plus !


Conclusion


On voit donc que les résultats pour les indépendants sont bien plus satisfaisants que pour les grandes marques, ce qui confirme une tendance installée depuis déjà plusieurs années. Acheter la montre d’un indépendant, c’est se payer une pièce d’artisanat mais aussi un morceau de l’âme d’un horloger. La démarche qui amène aux horlogers indépendants n’est pas la même que celle qui pousse à rentrer dans la boutique d’une marque établie. Il se crée une connexion personnelle beaucoup plus forte avec un indépendant, non seulement car les choses sont souvent bien plus transparentes, mais aussi parce qu’on ne fait pas seulement une transaction, on fait une rencontre. Et je pense que c’est en grande partie ce qui explique aujourd’hui le succès des indépendants. 

Nayuta Shinohara, Masahiro Kikuno, Naoya Hida, Masa Nakajima, Mark Cho
Credit: Homer Narvaez pour Tokyo Watch Club 
https://tokyowatchclub.jp/

Je suis donc ravi de constater que cette enchère historique dans l’histoire de l’horlogerie japonaise a permis au monde de découvrir ou de revoir des noms et des visages qui, je l’espère, deviendront familier pour les amateurs. Au-delà des montres, apprendre à connaître les personnes qui les fabriquent reste toujours, à mon sens, un des plus beaux aspects de la passion horlogère. J’ai hâte de vous présenter, dans les mois et les années à venir, tous ces artistes et ces artisans qui donnent un nouveau souffle à l’horlogerie nippone !

En tous cas je tiens à féliciter chaleureusement ces personnes hors du commun qui ont eu l’occasion de briller devant la communauté horlogère et bravo à Mark Cho qui a œuvré dans l’ombre pour mettre ces personnes sur le devant de la scène ! Ils méritent tout ce succès et même encore plus !

皆さんお疲れさまでした !!

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Seikosha Tensoku: la montre des Tokkotai