Grand Seiko pour les nuls - Le design (partie 1)

Grand Seiko est une marque qui commence à prendre beaucoup d’ampleur auprès des amateurs de montres et on commence à en entendre parler un peu partout. Que ce soit sur les gros blogs comme Hodinkee ou A Blog to Watch qui n’ont cesse d’encenser la marque Japonaise, ou même à la TV et à la radio.

Depuis que GS est devenue une marque séparée de Seiko, un virage assez marqué a été pris en terme de communication et Grand Seiko n’est plus un secret bien gardé entre quelques collectionneurs aguerris mais une marque qui commence à se faire tranquillement connaître et respecter à sa juste valeur.

Seulement, voilà, Grand Seiko est une marque qui a besoin d’être présentée, expliquée, décryptée pour bien comprendre ce qu’elle représente, ses codes, son ADN, ses valeurs, sa philosophie. Nous avons maintenant la chance d’avoir un réseau GS qui grandit de jour en jour pour apprécier les belles en chair et en acier, et une foultitude de photos sur le web. Mais s’arrêter là serait bien dommage quand on peut finalement assez simplement faire comprendre les spécificités de cette belle marque à quiconque souhaite les comprendre.

Le but de cette série d’articles “Grand Seiko pour les nuls” est donc de décrypter de manière abordable, simple et la plus synthétique possible les grandes lignes de ce qui fait Grand Seiko. Je m’adresse donc ici en priorité à ceux qui ne connaissent pas encore cette belle marque.

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1960: les débuts de Grand Seiko

Quand Seiko sort sa première Grand Seiko en 1960, le design de cette montre est tout à fait classique, bien exécuté mais pas particulièrement novateur.

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

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Credit: Ikigai Watches

En 1963 sortira le deuxième modèle de Grand Seiko, la 57GS. Elle reprendra globalement le design du premier modèle mais dans une version modernisée avec un boitier plus imposant, des cornes plus larges, mais toujours les mêmes chanfreins, et le même design pour les aiguilles et les index.

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

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Ces deux premiers modèles seront une source d’inspiration de certains modèles modernes, j’y reviendrai plus tard.

En 1967 sortira le troisième modèle de Grand Seiko, la fameuse 44GS, un modèle qui aura un impact énorme dans l’identité visuelle de Grand Seiko.

 

Taro Tanaka et la grammaire du design

Taro Tanaka est le premier diplômé d’une école de design à intégrer Seiko. Avant ça, il n’y avait pas de designer chez Seiko et même pas d’équivalent en Japonais pour expliquer le rôle d’une telle personne. C’est lui qui apportera à Seiko une vision du design de la montre dans sa globalité.

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Tanaka mettra au point un ensemble de règles de design qui définiront le style de Seiko, que l’on a nommé par la suite «Grammaire du Design» (mais que les Japonais appellent simplement le style Seiko).
Le but est de créer un ensemble de règles qui définiront l’identité visuelle de la marque et bien que ces règles aient été pensées pour Grand Seiko, elles seront appliquées de manière plus ou moins marquées dans différentes collections Seiko.

Le design des Grand Seiko devait être au service des valeurs fondamentales de GS: la lisibilité, la précision et la durabilité. Ainsi, le design des GS est toujours pensé pour aller dans le sens de la lisibilité et dans ce domaine, rien n’est laissé au hasard.

Il existe plusieurs «version» de ces règles, mais on pourrait les résumer en quelques points qui sont:
- l’utilisation de surfaces planes et parfaitement polies pour le boitier. Aucune partie du boitier ne doit être arrondie
- les aiguilles et les index doivent être facetés pour renvoyer au mieux la lumière pour une bonne lisibilité dans toutes les conditions de luminosité.
- la lunette doit être polie et présenter deux facettes, une plate et une en biseau

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On pourrait considérer d’autres détails mais voici au moins les grandes lignes. Si vous voulez aller plus loin, il existe beaucoup de sources intéressantes sur ce sujet.

Mais ce qui est intéressant, c’est plutôt de comprendre la philosophie de ce design, son inspiration, sa raison d’être. Le design de GS est un design qui se veut sobre et qui s’inspire de code très Japonais.

Pour comprendre ça, il faut comprendre ce qui a poussé Taro Tanaka a mettre au point cette Grammaire du Design.

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Un beau jour de 1962, Tanaka se rend à Wako, un grand magasin de luxe appartenant au groupe Seiko et qui vend de grandes marques Suisses aux côtés de sa propre production. En rentrant, Tanaka a tout de suite été attiré vers une vitrine qui lui avait tapé dans l’oeil à cause de la brillance et de l’éclat des montres qui s’y trouvaient. C’est en arrivant presque machinalement devant la vitrine qu’il se rendit compte que les montres qui l’avaient hypnotisé jusqu’ici n’était pas des GS mais des montres Suisses. Et dans la vitrine d’à côté, les Grand Seiko semblaient bien ternes par rapport à la production Européenne. C’est là qu’il décida qu’il devait donner un éclat à ses montres pour qu’elles attirent tout de suite l’oeil des clients qui passent par là.

Comme cela a déjà été expliqué dans l’article consacré à Taro Tanaka, il ne s’agissait pas d’une flânerie impromptue mais bien d’une volonté forte de Seiko de “rattraper et dépasser la Suisse”, cette expression étant le mot d’ordre donné par Shoji Hattori, le président du groupe et fils de Kintaro Hattori.

C’est donc la deuxième caractéristique du design des GS, en plus d’être lisibles elles doivent proposer une brillance, un éclat caractéristique qui les distinguent de toutes les autres.

L’idée centrale derrière la Grammaire du Design, c’est celle des contrastes, des clairs obscurs, des dégradés et de la façon dont la montre va jouer avec la lumière et l’ombre.

Je vous invite déjà à remonter de quelques lignes et re-regarder la photo de la 44GS et d'apprécier les contrastes et les jeux de lumière qu'offre déjà cette simple photo de la montre...

C'est bon, vous avez bien regardé? Bon, on peut continuer

 

L’inspiration derrière la grammaire du design

Fier des racines Nippones de la marque et de son héritage culturel, Taro Tanaka s’inspira fortement de cette culture pour mettre au point la grammaire du design. En effet, les notions d’ombre et de lumière font partie intégrante de l’esthétique Japonaise et c’est avec cette philosophie qu’il a développé le Seiko Style.

On peut noter deux influences majeures dans ces influences.

La première, ce sont les portes shoji, ces panneaux coulissants recouverts de papier washi, le papier traditionnel Japonais.

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Il s’agit d’un point essentiel de l’architecture traditionnelle Japonaise depuis des siècles et la particularité de ses portes est de créer un lien lumineux entre l’intérieur et l’extérieur au travers de nombreux jeux de lumière au cours de la journée, le tout en s’appuyant uniquement sur des lignes droites et des surfaces planes. Il s’agit d’une expression singulière d’une sensibilité esthétique très Japonaise qu’on retrouve ailleurs, comme dans les ombrelles traditionnelles. Des formes épurées et simples qui permettent des jeux de lumière complexes et changeants.

Une autre inspiration de Taro Tanaka fut la taille des diamants. En effet, les diamants répondent à des critères et des codes de taille très spécifiques qui ont pour but de donner une brillance maximale à la pierre.

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De la même manière, Taro Tanaka va tailler ses boitiers comme des diamants, s’assurant que ceux-ci ont une brillance optimale et un éclat unique, comme un beau diamant.
Les designs des boitiers de GS sont donc étudiés avec des cotes très précise, des angles et surfaces plates pensées pour tirer le maximum du boitier et lui donner cet aspect qui n’est pas sans rappeler le diamant, que ce soit par sa forme ou sa brillance. Ceci n’aurait jamais pu être possible sans le nouveau standard de design mis au point par Taro Tanaka. Si vous ne savez pas de quoi je veux parler, rendez-vous sur l’article qui reprend les grands axes de la carrière de Tanaka.

 

Le fameux polissage zaratsu…

Pour tirer un maximum de brillance et d’éclat du boitier, il faut donc des surfaces parfaitement planes et des angles vifs. Un diamant arrondi perd tout son éclat et sa valeur...
Pour cela, il fallu utiliser une technique de polissage parfaite qui donne des surfaces au poli miroir immaculé et sans aucune distorsion, tout en respectant les angles vifs qui structurent le boitier.
C’est ainsi qu’est née la technique dite «zaratsu», nom qui vient des machines Sallaz, des polisseuses (lapidaire) Allemandes importées au Japon puis modifiées avec une technique adaptée pour obtenir un poli miroir parfait.

Pour faire simple, le polissage zaratsu correspond au poli bloqué ou poli noir qu’on retrouve sur certaines pièces des mouvements en «Haute Horlogerie»: cette fois-ci, au lieu d’appliquer la pièce sur une plaque de zinc avec un agent polisseur, c’est la plaque de zinc qui tourne et le boitier y est appliqué à la main. C’est une technique très très longue qui demande une maîtrise parfaite des gestes acquise après des années d’entraînement.
Là où on retrouve ce type de polissage sur des têtes de vis ou des coq de balancier sur des pièces d’exception, GS l’applique sur les aiguilles, les index, les bracelets et l’intégralité des boitiers. Le brossage ne se fait qu’après, à la main, sur les zones dédiées. Le poli miroir parfait de ces parties permettent de donner un vrai éclat aux parties brossées.

Credit: Joe Kirk

Credit: Joe Kirk

Il y aurait encore beaucoup beaucoup de choses à raconter sur le polissage zaratsu mais pour l’instant, je m’en tiendrai à ça.
L’utilisation du zaratsu n’est finalement qu’une conséquence de la philosophie du design GS. 
Je m'arrête là pour le zaratsu, cette seule technique mériterait un long article à elle seule !

 

La fameuse 44GS

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Donc en 1967 sort la 44GS, première incarnation totale de la Grammaire du Design, un jalon dans l’histoire de Seiko puisqu’elle marque un changement radical dans l’identité visuelle de Seiko et Grand Seiko.
Les modèles de Grand Seiko qui sortiront par la suite s’inspireront beaucoup (ou pas) de ce design très novateur et toujours aussi appréciable 50 ans après.

La 61GS «Arabesque» est un autre parfait exemple de la Grammaire du Design, avec son saphir taillé qui n’est pas sans rappeler un diamant.

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Credit: Ikigai Watches

Credit: Ikigai Watches

 

Grand Seiko, la belle au bois dormant

Avec la déferlante du quartz sur le marché, Seiko décide finalement d’arrêter la gamme Grand Seiko en 1975 (j’en parlerait dans un prochain article).
La marque sortira de son sommeil en 1988 avec la sortie de montres haut de gamme quartz. Après une décennie de «HEQ» (High End Quartz) pour le marché Japonais, Grand Seiko revient sur la scène des montres mécaniques en 1998 avec la SBGR001 et la SBGR002.
Ces deux modèles poseront les bases de ce que seront les GS modernes: des montres simples et sobres dont le design s’inspire plus ou moins directement des modèles anciens des années 60/70 (sans parler des rééditions vintage évidemment).

SBGR001

SBGR001

SBGR002

SBGR002

En effet, la SBGR002 reprend de manière très directe le design de la première GS de 1960 avec son boitier doré et ses cornes rapportées avec ce chanfrein si distinctif.
La SBGR001 sera elle une version plus modernisée de ce design, qui reprend ce fameux chanfrein mais dans une design plus fluide et actuel. On voit donc que l’idée de s’inspirer du vintage pour faire à la fois une réédition fidèle et une réédition modernisée ne date pas d’hier chez Seiko.

Ce design continuera d’évoluer, avec d’une part des boitiers qui reprennent le style de la première GS et de ses cornes rapportées, et d’autre part avec des boitiers plus fluides et élancés.

SBGR261 - dans l’esprit de la First plutôt que la Grammaire du Design

SBGR261 - dans l’esprit de la First plutôt que la Grammaire du Design

SBGW231, un autre clin d’oeil à la First - Credit Horology House sur YouTube

SBGW231, un autre clin d’oeil à la First - Credit Horology House sur YouTube

SBGR253, l'essence même du design des GS modernes, découle directement de la SBGR001 de 1998, elle même inspirée de la toute première GS de 1960.

SBGR253, l'essence même du design des GS modernes, découle directement de la SBGR001 de 1998, elle même inspirée de la toute première GS de 1960.

SBGH205, une évolution du design moderne de GS. C'est le design de la SBGR001 de 1998 mais plus affuté, plus élancé, avec de plus larges parties polies.

SBGH205, une évolution du design moderne de GS. C'est le design de la SBGR001 de 1998 mais plus affuté, plus élancé, avec de plus larges parties polies.

Puis sortira en 2014 des modèles hommage à la fameuse 44GS qui reprennent son design soit de manière très fidèle, soit de manière plus modernisée.

SBGW047, réédition fidèle de la 44GS de 1967, sortie en 2014

SBGW047, réédition fidèle de la 44GS de 1967, sortie en 2014

Les exemples de “44GS modernisée” ne manquent pas. N’hésitez pas à faire défiler la galerie pour voir les différentes images.

Il y a un autre modèle moderne qui s’inspire clairement d’un design vintage. Il s’agit de la SBGD001/201/202/205 dont le boitier n’est pas sans rappeler celui de la 57GSS

57GSS - Credit www.grand-seiko.com

57GSS - Credit www.grand-seiko.com

SBGD001 - Credit A Blog to Watch

SBGD001 - Credit A Blog to Watch

 

L’épaisseur des Grand Seiko

C’est un point qui revient souvent et qu’il me semble intéressant de traiter ici.
En effet, on reproche souvent aux Grand Seiko d’être des montres trop épaisses lorsque l’on regarde leurs dimensions sur le papier.
Mais cette épaisseur a une raison. En effet, lorsque j’ai cité les valeurs fondamentales de Grand Seiko, vous n’avez pas manqué de remarquer qu’en plus de la lisibilité, les GS se focalisent sur la précision et la fiabilité. C’est pour cette raison que les calibres mécaniques de Grand Seiko sont relativement épais, par soucis de fiabilité et de précision. Les mouvements Spring Drive sont légèrement plus fins et les quartz le sont encore plus.
En effet, comme l’accent est mis sur la robustesse et la précision, les concepteurs de ces montres préfèrent avoir un mouvement plus épais mais qui assure ces deux conditions.
Le design vient dans un deuxième temps gommer l’épaisseur de la montre au poignet de manière très intelligente  et ces montres se portent finalement très bien, en épousant parfaitement le poignet. En effet, d'une part la carrure de la montre vient cacher toute la partie du fond de boite qui disparait au poignet et d'autre part, le galbe général de la montre et la cornes plongeantes permettent de venir épouser le poignet parfaitement.

Ceci étant dit, Grand Seiko a travaillé à réduire l’épaisseur de ses montres, soit avec les mouvements manuels (les 9S63 et 9R01 par exemple) mais aussi avec les nouveaux mouvements sortis en 2020.

Credit Google Images

Credit Google Images

 

Conclusion

Bon, je vous avais dit que je ferais court, mais ceux qui me connaissent ou les lecteurs habitués du blog savaient à quoi s’attendre !  

Je n’ai parlé ici presque uniquement que du design des boitiers GS et surtout de la philosophie de ce design et de ce qu’elle implique pour le polissage et l’épaisseur des boites. J’ai essayé d’être synthétique tout en apportant assez d’informations pour comprendre l’héritage de la marque mais on pourrait continuer à en parler pendant un long moment, que ce soit pour le design des modèles vintage ou celui des montres modernes et de tout ce que cela implique.
J'ai également évoqué rapidement le fameux zaratsu. Mais là aussi, le sujet n'a été qu'effleuré à sa surface mais je vous ferai un article plus approfondi à ce sujet.

Je parlerai plus en détail du design et des finitions coté cadran dans le prochain «Grand Seiko pour les nuls» avant d’attaquer le coté horloger de la chose.

A très vite pour la suite !

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