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Le Japon et la chronométrie - partie 1

Quand on lit des articles sur l’histoire de KS et GS, on lit souvent que la CICC interdit les Japonais d’utiliser le terme chronomètre. Suite à ça, les Japonais créent le JCII et Seiko se remet à produire des chronomètres KS. Mais dès qu’on fait des recherches sur la JCII et le CICC, on ne trouve…rien… Alors qu’en est-il vraiment? Quelle est l’histoire du terme chronomètre, que sont ces organismes, comment sont-ils nés, qu’ont-ils fait et que sont-ils devenus? Existe-t-il vraiment un lien avec le COSC? Est-ce que les Suisses ont vraiment essayé de mettre des bâtons dans les roues des Japonais?

La décennie 1960 est considérée comme l’âge d’or de Seiko et elle pourrait faire l’objet de nombreux livres à elle seule. Cette période peut être résumée par le mot d’ordre donné par Shoji Hattori aux employés de la marque: il faut rattraper et dépasser la Suisse. Les amateurs les plus piqués du virus reconnaîtront les mots qui ont donné le titre du livre de référence de Pierre-Yves Donzé.

Je résumerais la stratégie de Seiko à cette époque en quelques mots: faire des produits de qualité et le faire savoir. Cela illustre la volonté de Seiko à la fois d’améliorer la qualité de sa production de manière dramatique, mais aussi de faire connaître la qualité de ces produits à travers différentes stratégies de communication.

On commence donc à comprendre l’importance que revêtent la participation aux événements sportifs (surtout les JO de Tokyo en 1964) ou encore aux diverses expéditions scientifiques ou d’exploration, mais également la quête de la précision absolue qui a amené Seiko façonner le paysage horloger japonais avec la norme chronomètre, à participer aux concours de chronométrie en Suisse, à faire certifier des montres par l’observatoire astronomique de Neuchâtel, et enfin évidemment à créer et commercialiser la première montre à quartz au monde. La chronométrie sportive - plus particulièrement les Jeux Olympiques de Tokyo - et la quête de la précision sont deux axes essentiels pour comprendre l’histoire de Seiko dans cette décennie fascinante.

Aujourd'hui je vous propose une série de deux articles qui tournent autour d'un seul mot: le chronomètre.

L’usage aurait voulu que je fasse un rappel ici de ce qu’est un chronomètre, mais c’est la problématique même de ce premier article. Je rappellerai donc qu’il n’est pas à confondre avec le chronographe dont le but est de mesurer des durées courtes (ce bon vieux “chrono”).

Mais pourquoi parler de chronomètre me direz-vous?

D’une part car, comme je l’ai dit, l’histoire que je vais vous présenter est un des axes centraux du développement de la marque des années 50 aux années 70. D’autre part parce que Benoît (il se reconnaitra) a eu le malheur de me demander si le Japanese Chronometer Inspection Institute ou JCII existait toujours. Il n’en fallait pas plus pour me lancer dans une longue quête de recherche et de documentation sur l’histoire des chronomètres et surtout le lien avec Seiko et l’impact sur son histoire.

J’ai décidé de séparer le dossier en deux articles, un premier qui traite de la norme chronomètre en elle-même, son évolution et son adoption par l’industrie japonaise. Puis un deuxième qui traitera de l’impact que cela a eu sur Seiko, son offre commerciale, sa participation aux concours de chronométrie et la certification de montres par l’Observatoire Astronomique de Neuchâtel.



Je vous souhaite une bonne lecture !


Quand on lit des articles sur l’histoire de KS et GS, on lit souvent que la CICC interdit les Japonais d’utiliser le terme chronomètre. Suite à ça, les Japonais créent le JCII et Seiko se remet à produire des chronomètres KS. Mais dès qu’on fait des recherches sur la JCII et le CICC, on ne trouve…rien… Alors qu’en est-il vraiment? Quelle est l’histoire du terme chronomètre, que sont ces organismes, comment sont-ils nés, qu’ont-ils fait et que sont-ils devenus? Existe-t-il vraiment un lien avec le COSC? Est-ce que les Suisses ont vraiment essayé de mettre des bâtons dans les roues des Japonais? 

Mais avant tout, c’est quoi un chronomètre? Ce terme regroupe aujourd’hui de nombreux objets horlogers. Au XIXème siècle, il existe des chronomètres de marine avec échappement à chaîne et fusée, utilisés pour la navigation en mer et dont la précision assurait la survie des marins. Au XIXème siècle, certaines montres à échappement à ancre méritent le nom de chronomètre. Puis il est évidemment question des concours de chronométrie et des observatoires astronomiques, et enfin du COSC, très connu aujourd’hui. C’est donc un sujet très vaste et nous nous en tiendrons aujourd’hui uniquement aux montres bracelet. 

Un chronomètre de marine Seiko de 1942 avec une dérive maximale de 0,1 s/j.


Entre 1900 et 1939 la congrès international de Paris, la Société Suisse de Chronométrie, le bureau Français des normalisations de l’horlogerie et la Fédération Horlogère donnent chacun des définitions du chronomètre en fonction de sa précision et de son type d’échappement, mais rien n’est mis en place pour faire appliquer cette mesure et surtout il n’existe pas d’uniformisation entre ces différentes sociétés savantes. Le besoin d’une définition internationale du terme se fait donc ressentir.

Lors du Congrès International de Chronométrie de Genève en Août 1949, il est décidé de créer la Commission Internationale de Coordination des Travaux des Observatoires Chronométriques (CICTOC, qui n’est pas l’ancêtre de TikTok bien évidemment). Le but est de se mettre d’accord sur la définition du terme à l’échelle internationale, et l’unification des méthodes de mesure.

Léopold Defossez vers 1955

Lors de l’assemblée générale de la Société Suisse de Chronométrie de Juin 1950, Léopold Defossez (auteur de Théorie Générale de l’Horlogerie) rapporte que la SSC devrait se charger de reprendre le problème et de constituer une commission chargée de définir le terme chronomètre et de le protéger. Peut-être que celui-ci n’était pas au courant de la création de la CICTOC. Celle-ci s’est pourtant réunie à Neuchâtel en décembre 49, à Lyon en mai 1950, puis plus tard à Strasbourg en mai 51.

Ce n’est que lors du Congrès International de Chronométrie du 8 Juin 1952 à Spiez, cette fois-ci sur recommandation du directeur de l’observatoire de Besançon, qu’il est donné une définition du terme “chronomètre”: il s’agit d’une montre de précision réglée dans différentes positions et températures et ayant reçu un certificat. La commission internationale autorise que ces certificats soient délivrés par les Bureaux Officiels de Bienne, La Chaux de Fonds, le Locle, Saint-Imier et le Sentier. Pour les concours de chronométrie et les réglages spéciaux, les observatoires de Neuchâtel et de Genève, ainsi que Besançon et Kew pour la France et l’Angleterre, sont en mesure de proposer des épreuves encore plus strictes. Ce sont les fameux Chronomètres d’Observatoire et les tout aussi fameux Concours de Chronométrie.

Il y a eu cependant une discussion importante car les critères des BO sont bien moins stricts que ceux des Observatoires Chronométriques et la CICTOC, n’ayant aucune volonté commerciale, souhaitait que seuls les Observatoires puissent délivrer ce titre, mais finalement c’est une approche un peu plus large qui fut choisie en laissant les BO délivrer ce titre, du moment qu’ils respectent les critères de la CICTOC.

Ces critères sont nombreux mais on ne retiendra ici que la marche moyenne qui doit se situer entre -1 et +10 secondes par jour en 1952.

En 1959, soit 10 ans après sa création, la CICTOC devient la Commission Internationale des Contrôles Chronométriques ou CICC, à l’occasion du 6ème Congrès International de Chronométrie à Munich. A l’origine, elle réunit les Sociétés Suisse, Allemande et Française de Chronométrie, puis la Société Italienne de Chronométrie rejoint la Commission en mai 1962. Étant l’évolution de la CICTOC (elle-même une émanation de Congrès International de Chronométrie), la CICC autorise un certain nombre d'organismes à délivrer le terme de chronomètre. Il s’agit donc à cette époque des observatoires de Neuchâtel et de Genève, du Laboratoire Suisse de Recherche Horlogère, des Associations des Bureaux Officiels de Contrôle de la marche des montres, de la Société Suisse de Chronométrie, puis des Sociétés de Chronométrie d’Italie et de France. 

L’observatoire de Neuchâtel

Mais qu’en est-il du Japon?

Alors que l’industrie horlogère s’est bien développée avant la Seconde Guerre Mondiale, avec principalement la domination de K Hattori Co Ltd (Seiko), celle-ci est totalement chamboulée par la guerre puisqu’elle a dû se tourner vers l’armement, mais aussi évidemment à cause des bombardements, des morts etc… 

Les affaires reprennent péniblement dès 1945 mais l’horlogerie est au cœur du plan de relance économique du pays et l’exportation reprend dès 1947. En 1948, le gouvernement pousse à la création de la Japan Clock & Watch Association (JCWA) et du Japan Horological Institute. L’année suivante, c’est le Japan Industrial Standard (JIS) qui est créé par la Japanese Standards Association, l’équivalent de l’ISO mais à l’échelle du Japon. 

Les entreprises japonaises estiment alors que l’application des normes JIS suffisent à faire d’une montre un chronomètre, du moment que le Ministère de l’Industrie et du Commerce Extérieur ou MITI (pour Ministry of International Trade and Industry) estime que les manufactures concernées remplissent les conditions. Des concours de chronométrie sont d’ailleurs organisés par le Centre d’expérimentation mécanique du MITI tous les deux ans à partir de 1948 pour booster le développement de l’horlogerie après guerre, jusqu’en 1960, mais ceux-ci sont très largement dominés par Seiko. Par exemple, le concours de 1958 voit des Seiko Marvel rafler les 9 premières places. 

Le but de ces concours réservés aux entreprises japonaises est de développer leurs compétences afin de pouvoir rivaliser avec la qualité des montres suisses. Les critères sont donc calqués sur ceux des épreuves de l’Observatoire de Neuchâtel. Autre spécificité de ces concours Japonais, les montres testées sont des montres de série et non pas des montres développées spécifiquement pour les épreuves comme c’est le cas en Suisse.

Les concours cessent en 1960 lorsque le MITI considère, après avoir testé des montres suisses achetées chez des détaillants, que les montres japonaises ont la supériorité sur leurs équivalents étrangers.

Malgré des demandes à l’Institut Japonais de Métrologie et à l’Observatoire Astronomique de Tokyo, aucun organisme tiers n’accepte de tester les montres des différentes marques japonaises et le besoin de la création d’un organisme dédié commence à se faire sentir.

Alors que les concours japonais prennent fin en 1960, les équipes de Seiko sont animées par le mot d’ordre du président Shoji Hattori: il faut “rattraper et dépasser la Suisse”. Leur succès sur le marché Japonais et les comparaisons effectuées par le MITI avec leurs homologues suisses leur donne suffisamment de confiance pour aller jouer sur le terrain des Suisses. Ils participent donc au concours de chronométrie de l’observatoire de Neuchâtel en 1963 avec une horloge de table à quartz. Pour la première fois dans l’histoire du concours, une entreprise étrangère rentre dans le top 10.

Divers chronomètres à quartz ayant participé aux concours de Neuchâtel
Crédit: Anthony Kable - Plus9Time.com

A cette même période - et peut être suite à ce concours - le président de la CICC et ingénieur en chef d’Omega se retrouve avec un chronomètre Japonais entre les mains: une Grand Seiko First. Et bien que ces montres venaient avec leur certificat de marche, les Suisse n’en voient pas trop l’intérêt car les montres sont testées en interne, suite au refus de l’Institut Japonais de Métrologie et à l’Observatoire Astronomique de Tokyo. Ils ne nient pas les qualités des montres, au contraire, mais souhaitent faire appliquer le standard chronomètre tel qu’ils l’ont définit, et en particulier le fait que les montres doivent être testées par un organisme indépendant.

Après quelques difficultés diplomatiques, le Japon reçoit une invitation au Congrès International de Chronométrie via l’ambassade du Japon en Suisse, et l’Institut Japonais de Métrologie (dépendant du MITI) envoie Shozo Matsushiro, accompagné de Mr Murakami, chef du bureau de développement de machines-outils de Suwa Seikosha, au 7ème Congrès International de Chronométrie se tenant au Palais Beaulieu de Lausanne à l’occasion de l’Exposition Nationale Suisse de 1964, rassemblant 800 spécialistes d’une vingtaine de pays. L’évènement fête également le 40 anniversaire de la Société Suisse de Chronométrie.

Exposition Nationale Suisse de 1964

La veille, Shozo-san mange avec le président du CICC Mr Henri Gerber, directeur technique d’Omega, ainsi que Mr Harri également de chez Omega, avec sa délégation Japonaise composée entre autres de deux ingénieurs de Suwa Seikosha, H. Yasukawa, ingénieur-chef et Nariaki Murakami évoqué plus tôt. Avant ce dîner, les Japonais n’avaient aucune idée de ce qu’était le CICC !

Lors du congrès, des ingénieurs Japonais du l’Institute of Technology et de Suwa Seikosha donnent même des conférences sur le quartz.

Ce voyage permet à Shozo Matsushiro de prendre pleinement connaissance du fonctionnement de la CICC et des normes chronométriques internationales qu’elle défend. Son rôle est de ramener ces informations au Japon et d’en faire part aux manufactures en tant que membre d’une agence d'État. Suite à ce voyage en Suisse, il est encore plus déterminé à créer un organisme indépendant à même de certifier les montres japonaises afin de rejoindre la CICC.

Crédit: Special Dial www.specialdial.com

Son intention va totalement dans le sens des recommandations de la CICC. Celles-ci sont claires: ils ont prit connaissance du fait que les Japonais (Seiko et Citizen) produisent des chronomètres qui répondent aux exigences nécessaires, si ce n’est que ces montres sont testées en interne. La CICC leur communique alors tous les détails sur les fonctionnements des BO (Bureaux Officiels) et “recommande que soit créé au Japon un organe officiel indépendant des fabricants dont la tâche serait de contrôler les chronomètres au cours d’épreuves, telles qu’elles existent en Suisse, en France, en Allemagne et en Italie, afin que seules les montres ayant subi avec succès cet examen puissent porter le nom de chronomètre.”

Shozo-san ne semble d’ailleurs pas particulièrement impressionné par ce qu’il apprend des BO. Lui qui s’imaginait trouver des bâtiments impressionnants, il semble déçu que les BO ne soient en fait que quelques pièces dans des écoles d’horlogerie. En 1963, 200 000 chronomètres ont été testés en Suisse, dont 120 000 par le BO de Bienne (le plus important). Le rythme de 10 000 mouvements testés chaque mois lui semble énorme et nécessite une automatisation pour les 16 employés chargés de cette tâche. Il fait d’ailleurs mention de l’utilisation d’un ordinateur IBM.

Le Technicum de Bienne qui hébergeait l’école d’horlogerie et le BO de Bienne

L’ingénieur relève deux autres points intéressants: le but de ces certifications lui semble être simplement l’augmentation du prix des montres (contrairement aux chronomètres de marine qui assuraient la survie en mer des marins), et il critique que les mouvements soient testés avant emboîtage, sujet qui continuera à faire débat longtemps après, nous y reviendrons.

Suite à ce voyage, il devient clair que les diverses organisations et manufactures japonaises doivent s’entendre pour créer la structure nécessaire pour rejoindre la CICC.

Malheureusement le MITI refuse, d'une part car ses juristes estiment que le mot chronomètre fait partie du langage usuel, d’autre part en raison du coût élevé de l’opération.

En attendant, Seiko arrête d’utiliser le terme Chronometer pour ses montres à partir de 1966.

Crédit: The Tokei Club www.thetokeiclub.jp

Suite à l’arrêt temporaire de l’utilisation du terme chronomètre et à l’inaction du MITI, Seiko décide de mettre en place le standard Grand Seiko, supérieur aux normes en vigueur dans les Bureaux Officiels Suisses. Cette démarche s’inscrit dans une dynamique de performance chronométrique lancée dès les années 50 avec les concours de chronométrie japonais organisés par le MITI, puis avec les concours de chronométrie suisses. L’accumulation du savoir-faire industriel et technique permet à Grand Seiko de jouer le même jeu que Rolex et son Superlative Chronometer ou que le poinçon de Genève (pour sa partie chronométrie en tous cas) en créant un standard chronométrique plus stricte que celui de la CICC. Le but est clair: faire mieux que mieux !

En décembre 1968 et sous l’impulsion de Seiko, le Japanese Chronometer Inspection Institute (ou JCII) voit enfin le jour et sous-traite les épreuves de test à la Japan Clock & Watch Association (JCWA) dès 1969. En Septembre la JCII est présentée lors du Congrès International de Chronométrie de Paris et l’intégration du JCII au CICC est validée sous réserve d’une visite des installations du JCII à Tokyo et Suwa. 

Claude Attinger, physicien au Laboratoire Suisse de recherches horlogères, et André Donat, directeur du Cétéhor, le centre technique de l'industrie horlogère de Besançon, font le voyage au Japon en Avril 1970. A cette occasion, de nombreuses discussions ont lieu, dans le même esprit que celles des Congrès Internationaux de Chronométrie, pour comprendre comment les tests sont effectués, selon quelles modalités et avec quelles machines, toujours dans le but d’uniformiser les pratiques à l’échelle internationale. 

Pour la petite histoire, une des questions qui revient beaucoup est la température des tests. Pour faire simple, les montres sont testées dans le froid, à température ambiante, puis dans le chaud. Seulement le Japon teste ses montres l’été par 24°C, qui est considéré comme la température ambiante, alors qu’en Europe elles sont testées par 22°C. Si on regarde la norme ISO 3159 maintenant, les montres sont testées à 23°C avec une tolérance de +/- 1°C. Il s’agit sûrement d’un accord entre les Japonais et leurs homologues européens datant de cette période..

Entre le 1er avril 69 et le 31 mars 71, soit lors de ses deux premières années d’activité, le JCII teste plus de 225 000 montres. Entre le 1er avril et le 31 juin 1971, 40 000 montres sont testées avec une estimation de 120 000 montres pour cette année (pour les écoles et les entreprises japonaises, l’année commence le 1er avril et finit le 31 mars). Le taux de réussite pour l’année 69 est de 92% et passe même à 93% pour l’année 1970.

A titre de comparaison, selon l’Association des Bureaux Officiels, la Suisse un peu plus de 493 000 chronomètres pour l’année 1969 avec un taux de réussite de 91,5% (dont la moitié est testée à Bienne avec 92,3% de réussite).

Crédit: www.moonphase.fr

La majorité des chronomètres testés en Suisse à cette époque dans les BO étaient des Omega et des Rolex (en 1970 Rolex et Omega représentent  plus de 83% des chronomètres testés dans l’ensemble des BO), ce qui explique d’ailleurs pourquoi le bureau de Bienne était le plus actif. Cela tendrait à placer King Seiko en face de ceux deux marques légendaires, du moins pour ce qui concerne les qualités chronométriques, avec la précision de Rolex testait ensuite à nouveau ses montres en interne pour le “Superlative Chronometer”.


Il est intéressant de noter que tout le travail d’intégration des Japonais au CICC se fait dans un esprit de collaboration, le CICC n’ayant pas de but commercial et souhaitant juste faire respecter le terme de chronomètre à l’international, uniformiser les démarches et faire progresser la chronométrie dans son ensemble. Une démarche purement scientifique et aucunement commerciale. L’anglais est adopté comme troisième langue officielle avec le français et l’allemand, afin d’aider à l’intégration des Japonais et de leurs interprètes. Sans grandes surprises, les Japonais commencent tout de suite à demander à ce que les normes soient rendues plus strictes, en particulier pour tester des montres terminées et pas seulement des mouvements, et inclure la résistance au magnétisme, aux chocs et l’étanchéité aux critères testés pour la normes chronomètre, proposition appuyée par les Allemands mais rejetée par les Suisses et les Français.

Dès 1972, le président de la JCII commence à expliquer à la CICC l’importance de créer une catégorie à part pour les montres à quartz ainsi que d’augmenter les exigences de la norme Chronomètre. Malheureusement le comité refuse dans un premier temps de donner le nom de Chronomètre aux montres à quartz.

“Une précision de 0,0666 secondes par jour. Seiko Quartz a changé le sens du mot précision”

En 1974, le président de la JCII explique encore à la CICC que le Japon produit davantage de montres aux standards chronométriques supérieurs à la norme chronomètre (probablement majoritairement des Grand Seiko, possiblement des Citizen) et qu’entre le succès des montres mécaniques haut de gamme et de l’arrivée du quartz, le terme chronomètre perd de son attrait et il devient urgent de créer une norme supérieure (de type “Super Chronomètre”) ainsi qu’une norme propre aux montres à quartz. Il propose donc d’adopter la classification d’usage au Japon avec la classe AAAA pour les montres plus précises et A pour les moins précises, et propose qu’un chronomètre soit au moins AAA, mais le nom de chronomètre reste spécifique aux montres mécaniques.

Dès 1976, Seiko ne produit plus de chronomètres (King Seiko) et c’est cette année qui sonne la fin de la certification des montres mécaniques par le JCII. Mais le JCII continue de certifier des montres à quartz, avec d’importants soutiens de Suwa et Daini Seikosha, jusqu’en 1979, où le JCII cesse également de certifier les montres à quartz.

De 1974 à août 1979, le JCII certifie plus de 1 442 000 montres pour hommes de Seiko, Citizen et Ricoh, dont 29 000 de classe AAAA et 194 000 de classe AAA. Pour ces deux classes, les montres sont testées individuellement. Pour la classe AA, la certification est obtenue par échantillonnage. Cela représente 1 200 000 montres sur la période.

Catalogue Seiko de 1977 avec cette Seiko Quartz Superior. Le texte en haut précise que la montre est de classe AAAA.

En 1979, la responsabilité de la norme chronomètre est transférée à l’ISO, qui travaille de près avec le CICC et le JCII depuis 15 ans. En effet, l’ISO a fondé en 1964 un comité technique appelé ISO/TC114 horlogerie. Le cahier des charges est adopté en 1974 et la norme ISO 3159 voit le jour en 1976 et ne sera mise à jour qu’en 2009, bien que la définition de chronomètre donnée par Léopold Defossez en 1952 soit toujours utilisée par le COSC.

A la fin des années 70 et au début des années 80, alors que l’ISO a repris à sa charge la norme chronométrique, les travaux du CICC tournent principalement autour du quartz. En octobre 80 et 82, le CICC se réunit d’ailleurs par deux fois à Tokyo. En Octobre 83 les discussions commencent à tourner autour de l’avenir du CICC et le JCII annonce au CICC sa dissolution en décembre 1983. Il est tout de même demandé que toute communication future de la part du CICC soit faite à l’attention de la Japan Watch & Clock Association (qui sous-traitait les tests de la JCII).

Et le COSC dans tout ça?

Malgré la présence de la CICC, il existe une forte concurrence entre les BO, il est donc décidé au début des années 70 d’unifier le fonctionnement et le coût des BO, ce qui amène à la naissance du COSC en 1973. Comme l’explique très bien Pierre-Yves Donzé, “le COSC n’a pas la propriété des BO, mais est contractuellement lié à ces derniers: il leur confie le contrôle et l’authentification des chronomètres.” Aujourd’hui encore, le COSC certifie les chronomètres par l’intermédiaire de trois BO: ceux de Bienne, Le Locle et Saint-Imier.

Il n'est donc pas juste de considérer que la CICC soit devenue le COSC. La CICC a été créée par le Congrès International de Chronométrie pour définir et faire appliquer la norme chronomètre à l’international, en donnant des directives à ses membres que sont les différentes sociétés de chronométrie. Ça n'a jamais été le travail de la CICC de tester les montres, elle a par contre autorisé différents organismes à donner le nom de chronomètre aux montres qui respectent les critères qu’elle a édicté.

A l’inverse, le COSC est un organisme qui réunit à la fois des représentants des différents cantons horlogers et des représentants de l’industrie suisse. Comme l’explique Pierre-Yves Donzé, “Le COSC apparaît d’emblée comme une organisation mise sur pied afin de rassembler les principaux acteurs de l’industrie horlogère suisse autour d’une idée simple: gérer de manière commune le système d'authentification des chronomètres. [...] L’équilibre entre les collectivités publiques et les entreprises permet aux BO de poursuivre un service qui s'adresse à l’ensemble de l’industrie.” 

L’idée est d’unifier les différents BO qui souffraient de divers problèmes, dont une certaine concurrence inutile, des variations de prix dans la certification des montres selon les bureaux etc. De la même manière que la CICC s’assure du respect de la norme chronomètre à l’international, le COSC s’assure de l’unité dans le fonctionnement des Bureaux Officiels suisses. “La certification chronométrique de montres-bracelets à balancier spiral repose sur 7 critères imposés par la norme ISO 3159” comme le précise le COSC sur son site. Autrement dit, le COSC s’assure que les chronomètres respectent la norme ISO développée en partenariat avec la CICC dans les années 70.

Conclusion

La quête de la précision était un axe de développement majeur de beaucoup de marques horlogères après la guerre et malgré un démarrage un peu en retard des Japonais, Seiko a su revenir sur le devant de la scène dans les années 60. On présente souvent l’interdiction à Seiko d’utiliser le terme chronomètre comme une tentative de leur mettre des bâtons dans les roues, comme si les Suisses avaient eu peur des progrès de Seiko et essayaient de les combattre dès que possible.

Mais comme nous l’avons vu, cela n’a clairement pas été le cas. Au contraire, le but de la CICC était de faire progresser la chronométrie et l’horlogerie de manière générale, et l’arrivée des Japonais grâce à Seiko et la création du JCII a été très bien vue et facilitée par la CICC. 

Bien que cela n’ait pas aidé Seiko a développer son savoir-faire, cela ayant déjà été fait dans les années 50 et 60, l’intérêt a été principalement de faire savoir qu’ils pouvaient concurrencer et battre les Suisses. D’ailleurs il est intéressant de noter qu’initialement, Seiko avait souhaité faire certifier ses chronomètres en vue des JO de 1964, mais que les refus des autorités japonaises et les difficultés à mettre en place un organisme idoine prit plusieurs années, ce qui ne permit à Seiko de proposer des chronomètres officiellement certifiés qu’à partir de 1970. 


Mais entre-temps, Seiko n’a pas attendu les bras croisés. Comme nous allons le voir dans le prochain article, ils ont mis en place le standard Grand Seiko, plus strict que le standard chronomètre, ils ont participé aux concours de chronométrie suisses au point de causer leur fin à cause de leur supériorité, ils ont même fait certifier des montres par le prestigieux Observatoire Astronomique de Neuchâtel.

Cette quête de la précision a été couronnée de succès, que ce soit du point de vue technique ou du point de vue de la communication.

Mais revenir sur ces différents points permet également de comprendre à quel point Seiko dans son âge d’or produisait en grande quantité et à des prix plus abordables des montres de qualité équivalente aux suisses. Et c’est bien ça, et non pas le quartz, qui fut la cause de la crise horlogère qu’à traversé le Suisse dans les années 70 !

Dans le prochain article, nous verrons plus en détail comment le standard chronomètre a impacté la production et l’offre commerciale de Seiko, avec King Seiko, Grand Seiko, les concours de chronométrie et les montres certifiées par l’Observatoire Astronomique de Neuchâtel.

Récapitulatif

C’est quoi le CIC, la CICTOC et la CICC?

CIC = Congrès International de Chronométrie

CICTOC = Commission Internationale de Coordination des Travaux des Observatoires Chronométriques, c’est une commission créée lors du CIC de 1949

CICC = Commission Internationale des Contrôles Chronométriques, c’est l’évolution de la CICTOC créée en 1959 pour unifier les contrôles chronométriques à l’échelle internationale

C’est quoi le JCII?

Japanese Chronometer Inspection Institute, créé en décembre 1968 sous l’impulsion de Seiko, c’est un organisme indépendant, membre de la CICC, qui permet aux entreprises japonaises de certifier leurs chronomètres. Elle a certifié des montres mécaniques jusqu’en 1976 et des quartz jusqu’en 1979. Il est dissous en décembre 1983, après seulement 15 ans d’existence et 7 ans de certification de montres mécaniques.

C’est quoi la JCWA?

La Japan Clock & Watch Association, créée en Avril 1948. Elle est chargée du développement de l’horlogerie japonaise sur le marché local et à l’international. C’est elle qui teste les montres pour le JCII de 1969 à 1976. L’association existe toujours.

https://www.jcwa.or.jp/en/index.html

C’est quoi l’Horological Institute of Japan?

Également fondé en 1948, l’Horological Institute of Japan est une société savante composée de chercheurs et de scientifiques issus du milieu universitaire et de l’industrie horlogère. Actuellement, deux des trois directeurs exécutifs font partie de Seiko
https://hij-n.com/english/

C’est quoi le COSC?

Le Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres a été créé en 1973 et s’assure de la certification chronomètre au sein des Bureaux Officiels Suisses. C’est une association à but non lucratif qui regroupe des représentants des cantons horlogers (Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne et Soleur) et des représentants de l’industrie. Elle fait appliquer la norme ISO 3159.

D'autres organismes dans d’autres pays sont en mesure de délivrer ces certificats: l’observatoire de Besançon, le METAS de Berne, la fondation TIMELAB à Genève, la fondation Qualité Fleurier et l'observatoire Wempe à Glashütte.

C’est quoi ISO 3159?

C’est la norme internationale qui définit ce qu’est un chronomètre. Le site de l’ISO dit “L'ISO 3159:2009 établit la définition du terme «chronomètre» en décrivant les catégories, le programme des essais et les exigences minimales admises pour les chronomètres-bracelet.”

Cette norme a été mise au point dans les années 70 avec la collaboration de la CICC et du JCII, puis c’est finalement l’ISO qui a repris le rôle de la CICC en 1979. Sa commission technique dédiée à la chronométrie a été fondée dès 1964, il s’agit de la ISO/TC114.

Sources:

https://www.jcwa.or.jp/en/etc/history02.html

https://isozakitokeiblog.mods.jp/blog/2007/01/post_254.html

https://ja.wikipedia.org/wiki/%E3%82%AF%E3%83%AD%E3%83%8E%E3%83%A1%E3%83%BC%E3%82%BF%E3%83%BC

https://www.letempsarchives.ch/page/JDG_1964_06_05/2/article/7637967/%22congr%C3%A8s%20international%20de%20chronom%C3%A9trie%22

https://www.letempsarchives.ch/page/GDL_1964_06_09/3/article/2871508/%22congr%C3%A8s%20international%20de%20chronom%C3%A9trie%22

https://articles.adsabs.harvard.edu//full/1950AFChr..20..439./0000441.000.html

https://articles.adsabs.harvard.edu//full/1953PGenA..45..203T/0000004.000.html

Archives du Journal of the Horological Institute of Japan: https://www.jstage.jst.go.jp/browse/tokeieafj/-char/en 

Pierre-Yves Donzé: “Histoire sociale et économique de la chronométrie”

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La vraie histoire de la Tuna

La Tuna est une montre assez unique dans le paysage horloger de Seiko: elle est soit adulée soit détestée. Si vous êtes dans le premier camp, cet article devrait vous plaire. Si vous êtes dans le second, j’espère vous faire passer dans le premier avec cet article !

Couverture d’un mensuel Japonais dédié à la plongée sous-marine.

Couverture d’un mensuel Japonais dédié à la plongée sous-marine.

 

En 1965, Seiko sort sa première vraie plongeuse, la mythique 62MAS. Seulement 10 ans plus tard sort la Tuna, autre montre mythique de l’histoire de la marque mais également une des meilleures, si ce n’est LA meilleure plongeuse au monde. Il n’aura fallu que 10 petites années pour passer d’une première tentative élémentaire, un balbutiement, à une prouesse de technicité où la fonction détermine la forme. 10 ans pour créer la plongeuse ultime.

Pour Seiko, la Tuna n’est pas simplement une plongeuse professionnelle, mais l’aboutissement d’une quête débutée au début des années 60: la quête de l’étanchéité.

Le but de cet article est double. Il est évidemment de vous raconter la naissance et l’histoire de la Tuna, mais également de replacer cette histoire dans un contexte plus large qui est celui de la quête de l’étanchéité par Seiko afin de mieux se rendre compte du chemin parcouru en une quinzaine d’années. Cette recherche s’inscrit de manière plus large dans cette ambition qui a été le moteur de Seiko dans cette décennie fabuleuse et qui tient en quelques mots, ceux de Shoji Hattori: rattraper et dépasser la Suisse !

Je vous propose donc de voir comment Seiko a évolué sur l’étanchéité des montres entre ses premiers modèles “waterproof” au début des années 60, puis de vous attarder sur la création et le développement de la Tuna avant de répondre à cette question: peut-on dire qu’avec ses plongeuses, Seiko a rattrapé et dépassé la Suisse?

 

Les premières montres étanches

 

Au début des années 60, Seiko sort timidement certains modèles étanches. En effet, le Japon est un pays très humide, la culture des bains publics y est toujours très ancrée et les activités aquatiques commencent petit à petit à se populariser. L’étanchéité est donc un gage de qualité pour des montres faites pour durer dans le temps. Mais jusqu’à présente, l’étanchéité fait réellement défaut aux productions de la marque.

Au début des années 60, Seiko commence à produire des montres comme la Dolphin dont le fond de boîte précise qu’elle est “water protected”, sans autre forme d’explication, puis des montres étanches à 30m estampillées Seahorse. Viennent ensuite les Silverwave, d’abord Seikomatic étanches à 50m puis Sportsmatic étanches à 30. Certains les considèrent d’ailleurs comme les premières plongeuses de la marque, malgré une étanchéité annoncée assez faible et peu de caractéristiques en commun avec ce qu’on attend d’une plongeuse de nos jours.

On voit donc que l’étanchéité est améliorée par rapport à ce qui se faisait avant, mais elle reste vraiment très basique avec seulement quelques dizaines de mètres. Le problème est en fait assez simple et vient de l’unité de mesure utilisée.

Comme cela a été expliqué dans un article précédent, Seiko utilisait alors la ligne comme unité de mesure au lieu du millimètre, une vieille unité française qui remonte au Moyen-Age ! La ligne étant moins précise que le millimètre, cela aboutissait à des tolérances très larges dans la fabrication des pièces et dans leur ajustement, rendant une réelle étanchéité quasi impossible.

Taro Tanaka décida d’imposer le millimètre comme unité de mesure, que ce soit aux designers comme aux sous-traitants qui fabriquaient les boitiers et les cadrans, ce qui permis l’arrivée chez Seiko des premières montres réellement étanches, parmi lesquelles on peut compter les fameuses Sportsmatic 5 par exemple.

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Entre Novembre 1965 et Mars 1966, Seiko lance une campagne de communication axée sur les montres étanches en exposant leurs montres immergées dans des aquariums. Cette campagne aura un fort impact sur la vision qu’ont les gens de ces produits puisque jusqu’alors, les montres étaient vues comme des produits fragiles et sensibles à l’humidité.

Une 62MAS en vitrineSource: The Birth of Seiko Professional Diver’s Watch par Ryugo Sadao

Une 62MAS en vitrine

Source: The Birth of Seiko Professional Diver’s Watch par Ryugo Sadao

Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à ce moment-là, Taro Tanaka dû mettre au point des outils pour les boutiques afin de tester l’étanchéité des montres, mais également pour les ouvrir et fermer sans soucis. En effet, à cette époque les marques étaient uniquement des manufactures et le service après-vente était assuré par les distributeurs, la marque ayant simplement pour rôle de fournir le matériel adéquat et les pièces aux boutiques qui distribuaient leurs montres. Donc pour vendre des montres étanches, il fallait que les boutiques aient l’équipement nécessaire et c’est à Taro Tanaka que fut donnée cette tache.

Source: The Horological International Correspondance n°442

Source: The Horological International Correspondance n°442

C’est donc en 1965 que Seiko sort sa première vraie plongeuse, la fameuse 62MAS. Bien qu’aujourd’hui elle a acquis le statut de légende, ça n’est pas une montre particulièrement appréciée par son créateur Taro Tanaka. En effet, il raconte dans le livre de Ryugo Sadao « The birth of Seiko professional diver’s watch » que cette montre a été conçue en vitesse ‘sur un coin de table’, en seulement un mois. Les équipes de Seiko voulaient une vraie plongeuse pour les JO de Tokyo en Octobre 1964 mais la 62MAS ne fut malheureusement pas prête à temps pour cet évènement. Son design relativement simple était très inspiré des skin divers que l’on retrouvait alors en Suisse, le bracelet était fait par Tropic et l’étanchéité à 150m était une vraie amélioration sans être exceptionnelle. Malgré tout, cette montre équipa de nombreux explorateurs et scientifiques, entre autres pour des missions en antarctique. Comme quoi même en faisant les choses à la va-vite, Taro Tanaka arrive à pondre des petites merveilles !

Peu de temps après, Seiko sort une nouvelle plongeuse, la 6215-7000. Cette fois-ci, on sent bien que Taro Tanaka a planché sur cette montre et lui a donné sa propre signature, qui deviendra d’ailleurs un classique du design des plongeuses pour Seiko. Bien que le calibre soit proche de la 62MAS, le reste de la montre est un très gros cran au-dessus: boitier monobloc, verre hardlex, étanchéité à 300m, bracelet maison, lunette unidirectionnelle avec clic etc.

Source: Fratello Watches

Source: Fratello Watches

Cette référence mythique ne fera finalement pas long feu. Bien que le calibre 62 soit un excellent mouvement automatique (qu’on retrouvera même dans les 62GS, signe d’une grande qualité), il est rapidement éclipsé par le calibre 61, un autre mouvement automatique mais cette fois-ci Hi Beat (36,000 alternances par heure). C’est donc la 6159-7000 qui remplace la 6215 en 1968. Malgré un design très proche de celui de la 6215, la 6159 évolue encore légèrement pour devenir LA plongeuse ultime de Seiko et celle qui aurait pu faire la fierté de son créateur Taro Tanaka.

6159-7001 à gauche, 6215-7000 à droite Source: Fratello Watches

6159-7001 à gauche, 6215-7000 à droite
Source: Fratello Watches

 

Une montre inutilisable

 

Quelle ne fut pas la surprise quand en 1968, la direction de Seiko reçoit une lettre de plainte d’un client mécontent de sa 6159, la qualifiant de montre inutilisable ! Taro Tanaka, piqué dans sa fierté, lit la lettre en question et apprend qu’elle a été rédigée par un plongeur professionnel dont la montre a explosé lors de la décompression de son caisson hyperbare. Ne comprenant pas très bien les enjeux et le problème, Taro Tanaka propose à l’homme en question,, Hiroshi Oshima, de venir le rencontrer au siège de l’entreprise à Tokyo et de lui expliquer en détail les soucis rencontrés. Ce dernier accepte et son entretient avec le designer aura un impact énorme.

En effet, le plongeur explique à Tanaka qu’il fait de la plongée en saturation, mais ce dernier ne sait pas ce dont il s’agit. Il lui explique donc.

Afin de pouvoir plonger à de grandes profondeurs et d’y rester longtemps, il existe un système de caisson dans lequel deux plongeurs s’enferment pour descendre très profond, dans ce cas précis à 350m sous la surface. Mais à cette profondeur, la pression de l’eau est immense et les temps de décompression pour remonter sont interminables (plusieurs jours voire semaines). La cabine est donc pressurisée avec un mélange d’hélium afin que les corps des plongeurs s’habituent à une pression identique que celle qu’exerce l’eau par 350m de profondeur. Ils peuvent donc ainsi librement sortir faire leurs travaux sous-marins (soudure et autres travaux lourds) puis retourner dans le caisson sans soucis. Après plusieurs jours voire semaines de travail, le caisson remonte lentement vers la surface afin de respecter les paliers de décompression. Et c’est justement là que le soucis est arrivé…

Lors de la remonté, la montre a tout simplement explosé, d’où la plainte du plongeur qualifiant cet outil de montre inutilisable !

Le problème venait de l’hélium. Lorsque la cabine est pressurisée, l’hélium se faufile partout, y compris dans la montre. Mais quand la cabine remonte et se dépressurise, l’hélium n’arrive plus à sortir suffisamment vite, la pression augmente dans la montre jusqu’à ce que le verre vole et que toutes les pièces de la montre soient satellisées !

Taro Tanaka n’ayant pas connaissance de ce monde si particulier, il demande au plongeur s’il accepterait de l’amener sur son lieu de travail et de lui montrer la réalité du terrain afin de créer un produit qui répond réellement aux besoins des plongeurs professionnels.

 

À la rencontre des pro

 

Taro Tanaka se rend au port de Kure, le plus grand port et chantier naval du Japon (connu pour être le lieu de fabrication du cuirassé le Yamato lors de la Seconde Guerre Mondiale) et embarque sur un petit bateau à moteur pour se rendre au large. Alors qu’il ne savait pas vraiment vers quoi il se dirigeait - surement un gros bateau pensait-il - il n’en cru pas ses yeux quand il vit se détacher à l’horizon la silhouette d’une plateforme pétrolière monumentale.

Source: The Horological International Correspondance n°442

Source: The Horological International Correspondance n°442

Il passa plusieurs jours là bas en présence de Tatsuro Akabane, un autre designer responsable de la conception du boitier. Là ils ont pu se rendre compte de la réalité du travail de ces hommes, des contraintes auxquels ils étaient exposés et surtout des besoins auxquels leurs montres, outils alors indispensables, devaient répondre.

C’est comme ça qu’ils se sont par exemple rendu compte que les caissons de plongée étaient très petits, au point de ne pas pouvoir s’y tenir debout ou même y marcher, mais que deux personnes devaient y tenir pendant plusieurs jours ou semaines. Ils ont également découvert le travail qui était confié à ces hommes, les outils qu’ils utilisaient, leur équipement, les combinaisons étanches sous lesquelles les plongeurs gardaient un pull pour supporter le froid des profondeurs, mais aussi les attentes qu’ils avaient pour leurs montres.

Voici la liste des problèmes et observations relevés par Taro Tanaka suite à ces observations et aux entretient avec les plongeurs:

Au sujet du mouvement

  • En raison des travaux de soudure, la montre doit résister au magnétisme

  • Il est vital de savoir à tout moment si la montre fonctionne ou non

  • Les plongeurs portent leur montre même sur la terre ferme afin de s’assurer de leur bon fonctionnement

Au sujet de la lisibilité

  • Les plongeurs vérifient le temps qui s’est écoulé très fréquemment au cours des plongées

  • Compte tenu de l’obscurité des grands fonds, il est indispensable de pouvoir lire l’heure même dans le noir

Au sujet du boitier

  • Les plongeurs se retrouvent souvent emmêlés dans des cables ou des tuyaux que ce soit au fond de l’eau ou dans leur petit caisson

  • Compte tenu du peu d’espace dans le caisson, si deux personnes s’y trouvent, des bords saillants ou pointus sur une montre peuvent s’avérer dangereux

  • Comme les plongeurs n’arrêtent pas de se cogner partout, surtout dans l’espace réduit du caisson, les montres se retrouvent vite couvertes de rayures

  • Les montres ont souvent des problèmes lors de la décompression

  • Si la montre tombe, la plupart du temps la couronne va se casser ou le verre se briser, rendant la montre inutilisable

  • Lors de divers travaux d’entretiens, il n’est pas rare que les montres des plongeurs se retrouvent couvertes d’huile qui s’immisce partout, rendant le nettoyage compliqué voir impossible

  • Les habits des plongeurs s’usent vite à cause des frottements sur les crans des lunettes

Au sujet du bracelet

  • Compte tenu du froid de l’eau au fond (proche de 0°C), le bracelet en plastique se raidit et casse très facilement par la suite

  • Même lorsque le bracelet est très serrée, une fois au fond de l’eau la pression que celle-ci exerce sur le corps et la combinaison du plongeur font que la montre devient trop large au poignet et bouge

Au sujet de l’apparence générale de la montre

  • Les plongeurs souhaitent avoir des montres qu’ils peuvent porter en toute circonstances, même lorsqu’ils sont dans des réceptions à l’étranger, sans en avoir honte

Voici donc en gros le cahier des charges que devra respecter cette nouvelle plongeuse, au-delà évidemment d’une étanchéité supérieure à 350m, avec en plus une solution au problème de l’hélium.

Pour ce qui est du mouvement, aucune raison de changer une équipe qui gagne, la nouvelle montre sera donc équipée du 6159B. Il s’agit du meilleur calibre automatique du groupe avec une vraie fiabilité testée et éprouvée. Ce mouvement est très proche de celui qu’on retrouve dans les 61GS, avec un grade chronométrique un échelon en-dessous de ce qui se fait chez Grand Seiko (équivalent donc au COSC, mais testé en interne). C’est en fait une évolution du 6159A de la 6159-7000, avec tout de même beaucoup d’améliorations à presque tous les niveaux du mouvement, du barillet à l’échappement en passant par tout le système de tige de remontoir. Ce mouvement répond à tous les besoins en terme de résistance aux chocs, aux vibrations et propose un couple suffisant pour mouvoir les aiguilles massives dessinées pour l’occasion. Pour le magnétisme, une plaque de fer doux est glissée entre le mouvement et le fond de boite, protégeant donc le calibre de manière efficace.

Pour ce qui est de la lisibilité, le cadran est noir mat avec des index paints en blancs et recouverts d’une nouvelle peinture luminescente pour laquelle Taro Tanaka a travaillé directement avec Nemoto&Co Ltd, l’entreprise qui créera par la suite le Luminova. Son souhait était d’avoir une peinture non radioactive, totalement blanche et la plus luminescente possible. Les index sont ronds pour un maximum de luminescence (plus efficace que des index carrés) et l’index de midi est triangulaire pour repérer directement l’orientation du cadran. Les aiguilles bénéficient d’une finition très fine donnant des couleurs irisées selon la lumière pour maximiser la lisibilité et l’aiguille des minutes, la plus importante pour les plongeurs, voit sa taille drastiquement augmenter. En effet, c’était un choix des plongeurs eux-mêmes que cette aiguille soit celle qui saute le plus aux yeux puisque lorsqu’ils plongent, ils n’ont pas besoin de savoir l’heure mais uniquement le temps écoulé.

Source: Nomadartist sur thewatchsite.com

Source: Nomadartist sur thewatchsite.com

Pour ce qui est du boitier en lui-même, Taro Tanaka s’inspira des balanes, ces petits crustacées marins qui se fixent partout et dont la carène (ou « coquille ») les protège des assauts des vagues. Il décida donc de créer cette protection extérieure qui devrait abriter la lunette et la couronne, et il proposa de la fixer par 4 vis qui devraient permettre aux plongeurs de facilement la démonter pour totalement nettoyer la montre. La forme légèrement conique permettant d’éviter que des cables s’enroulent autour de la montre, les designers optent également pour des bords bien arrondis afin d’éviter que la montre s’accroche où que ce soit ou n’abime ce qu’elle pourrait heurter. Une simple découpe entre 12h et 3h puis entre 6h et 9h expose suffisamment la lunette pour pouvoir la tourner tout en la protégeant idéalement de manipulation involontaire et en préservant les habits des plongeurs. En choisissant un verre plat, cela leur permet de placer celui-ci légèrement en-dessous de la lunette pour le protéger des rayures. Il fallait également trouver une solution avec un revêtement interne pour empêcher que le verre ne se couvre de buée lors des chocs de température, ce qui fut fait. Enfin, le choix d’un boitier en titane (une première pour une plongeuse) pouvait garantir plus de légèreté et une résistance à la corrosion accrue et la protection externe du boitier fut pulvérisée d’un composé de céramique à très haute température afin de le rendre très résistant aux rayures.

Source: Fratello Watches

Source: Fratello Watches

Pour l’étanchéité, un énorme travail dû être fait pour la fixation du verre et de la couronne. Ikuo Tokunaga proposa l’utilisation d’un nouveau matériau pour les joints d’étanchéité et l’équipe de designers décida d’utiliser le joint en L développé pour les Seiko 5 Sports. Ce joint très efficace allié au nouveau matériau et au design complexe du boitier monobloc permis de créer une montre parfaitement étanche à l’hélium, rendant l’idée même d’une valve à helium totalement caduque. Du plus, le système de fixation du verre est intégré d’un bloc au boitier en lui-même, venant sécuriser le verre en cas d’intrusion d’hélium et de surpression interne.

Source: Seiko Diver Watch Evolution par Ikuo Tokunaga

Source: Seiko Diver Watch Evolution par Ikuo Tokunaga

Tokunaga proposa également d’utiliser un type de polyuréthane pour le bracelet, le rendant moins sensible à la température que le PVC utilisé jusqu’à présent. C’était une première pour un bracelet de montre. Taro Tanaka s’inspira de sa passion pour les vieux appareils photos, et plus particulièrement des soufflets qu’on pouvait retrouver sur de vieux objectifs, pour créer un bracelet qui s’adapte automatiquement à la taille de poignet du plongeur. Bien que ces bracelets à « vaguelette » soient monnaie courante aujourd’hui, on doit ce design ingénieux à Taro Tanaka.

Source: The Horological International Correspondance n°441

Source: The Horological International Correspondance n°441

Les équipes de Seiko ont travaillé sans relâche avec de nombreux plongeurs et photographes sous-marins afin d’améliorer progressivement le design, de tester les prototypes en conditions réelles et d’apporter des modifications afin d’obtenir un produit répondant parfaitement à leurs attentes.

  • Pourquoi 600m ?

On pourrait se poser cette question légitime. Pourquoi avoir proposé une plongeuse étanche à 600m et pas 500 ou 700?
Un élément de réponse apparaît dans un article de The Horological International Correspondance (vol.24 no.281) dédié au développement de la Golden Tuna, où l’auteur explique qu’à cette époque, le record de plongée en saturation était détenue par la Comex pour une plongée à 501m (alors que le travail habituel se situe entre 100 et 300m en général). Il semble donc évident que, compte tenu du travail de recherche mené par les équipes de Seiko, cette information fut utilisée afin de produire la plongeuse ultime, capable d’aller plus loin que là où les meilleurs peuvent aller !
Depuis, le record est passé à 701m pour une plongée en saturation (en 1992).
On pourrait peut-être y voir aussi une rivalité avec deux autres plongeuses professionnelles, la fameuse Omega Ploprof, elle aussi originellement étanche à 600m ou la Rolex Sea Dweller étanche à 610m. On voit donc bien qu’à cette période, 600m semble être la norme pour les plongeuses professionnelles.

 

« Ce truc noir…c’est pas une montre »

 

Après que Taro Tanaka ait travaillé d’arrache pied avec des plongeurs professionnels et des photographes sous-marins pour la conception et le test des prototypes, avec ses équipes de designers et les équipes de Suwa Seikosha pour la production, il présente enfin la montre aux dirigeants de Seiko Watch Corporation, mais leur réaction n’était pas ce qu’attendait Tanaka… « Mais ce truc noir…c’est pas une montre ! »

Mais Taro Tanaka ne se démonte pas et répond à ses supérieurs que c’est une montre née des plaintes de la part de professionnels et que la recherche technique menée a eu pour seul et unique but de répondre à leurs besoins et créer l’outil ultime.

La réponse qui lui fut donnée pourrait paraître tout aussi étrange et laisse sous entendre un doute quant à l’éventuel succès de la montre… « C’est une montre assez particulière, mais mettons-la quand même sur le marché, au pire ça fera parler de nous ».

 

Une reconnaissance immédiate

 

Malgré le scepticisme des dirigeants de Seiko (peut-on leur en vouloir?), la montre alors surnommée « le visage noir des abysses » rencontre immédiatement un franc succès auprès des plongeurs professionnels, mais aussi de toute personne souhaitant posséder une montre d’une résistance absolue, que ce soit pour des activités aquatiques ou autres.

Il serait logique de se dire que le nombre de personnes ayant besoin de ce genre de produit est très réduit et que la demande ne sera pas délirante. À cette époque, on estime qu’il n’y avait que 200 plongeurs en saturation au Japon et 4000 dans le monde. La demande semble donc bien faible, surtout si on déduit les 600 plongeurs professionnels de la Comex alors en partenariat avec Rolex !

Et pourtant, toujours d’après cet article de The Horological International Correspondance de 1983, Seiko a vendu 5000 Grandfather Tuna au Japon et 2500 dans le reste du monde, soit un total de 7500 montres en un peu moins de 3 ans ! Ce qui semble assez conséquent compte tenu des généreux 50mm de diamètre pour 16mm d’épaisseur du bestiau !

Source: magazine mensuel japonais de l’époque dédié à la plongée

Source: magazine mensuel japonais de l’époque dédié à la plongée

Lorsqu’ils sortent la Golden Tuna 3 ans après, c’est cette fois-ci 4200 montres qui sont vendues au Japon et 4925 dans le reste du monde, soit un total de 9125 montres. Les chiffres réels sont sûrement bien supérieurs pour cette dernière puisqu’elle fut distribuée jusqu’en 1986, date à laquelle elle fut remplacée par un modèle étanche à 1000m, et que les chiffres cités ici datent de 1983. En 8 années de production, le total de Tuna vendues (Hi Beat et quartz) s’élève donc à 16625 unités soit plus de 2078 montres par an ou environ 5 Tuna vendues chaque jour dans le monde, malgré une demande qui pouvait sembler bien faible au début, montrant que ce modèle extrême satisfaisait aussi bien les plongeurs en saturation que tous les autres clients à la recherche d’une montre d’une robustesse indiscutable ! On la retrouvera d’ailleurs même au poignet de Roger Moore dans James Bond et dans Les loups de haute mer.

Source: jamesbondlifestyle.com

Source: jamesbondlifestyle.com

Autre preuve de la réussite ce de design, il me semble utile de rappeler que malgré les évolutions qu’a subit la fameuse Tuna depuis 1975 (matériaux, mouvements etc), le concept de base et le design global de la montre sont restés les mêmes depuis 1975. Cela fait donc 46 ans que la dynastie des Tuna règne sur les plongeuses de Seiko de manière ininterrompue, faisant de cette famille de montres un des succès indiscutables de la marque et la gamme de montres ayant été distribuée de manière continue pendant le plus longtemps pour Seiko.

Source: thespringbar.com

Source: thespringbar.com

 

La Tuna en conditions réelles

 

Durant toute la phase de R&D, les équipes de Seiko ont continué à travailler avec beaucoup de professionnels et à échanger sur les différents choix, les changements possibles, l’utilisation des prototypes en conditions réelles, l’esthétique de la montre etc.

On peut noter l’implication de Hiroshi Oshima, le plongeur ayant écrit la lettre de plainte en 1968, ainsi que son collègue Isao Hansako qui ont utilisé les prototypes dès les premières phases de développement. Akira Tateishi du Underwater Modeling Center, éditeur du mensuel japonais “Marine Diving” et photographe sous-marin, fut impliqué dans le développement des prototypes ainsi que lors des débuts de la production de masse, mêlant ses connaissances du monde sous-marin avec sa formation initiale en design industriel obtenu quelques années avant Taro Tanaka dans la même université. Les plongeurs professionnels et autres spécialistes de ce domaine ont donc été des acteurs essentiels non seulement dans l’établissement du cahier des charges, mais également lors des phases de développement des prototypes; Mais l’évolution des techniques d’exploration sous-marine ont permis à Seiko d’aller plus loin encore.

À l’hiver 1982, Seiko décide de tester sa Golden Tuna (la seconde version de la Tuna, à quartz, sortie en 1978) par 300m de profondeur en saturation avec l’aide de la Jamstec (Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology) afin de tester en conditions réelles la manipulation de la couronne, la résistance aux changements brusque de pression ou encore les variations de pression à l’intérieur de la montre. Lors de ce test, la Tuna est comparée à d’autres modèles Suisses équivalents et la Tuna est la seule à ne pas voir sa pression interne varier, validant ainsi le concept de la montre de manière purement expérimentale, ce qui vint confirmer le nom qu’elle portait au Japon de meilleure montre de plongée au monde.

L’année suivante, au mois de Mai 1983 et forte de son succès quelques mois auparavant, Seiko mène son premier test en eaux profondes pour la Tuna. Bien qu’étanche à « seulement » 600m, Seiko voulait savoir si la montre pouvait résister à la limite qu’ils s’étaient fixés de 1000m. Bien que cette profondeur ne peut pas être atteinte par des humains, ils voulaient savoir jusqu’où pouvait descendre la montre. Elle fut donc attachée au bras robotisé du Shinkai 2000, un sous-marin d’exploration habité pouvant plonger jusqu’à 2000m et inauguré deux ans plus tôt.

Source: The Hororlogical International Correspondance n°281

Source: thehuffingtonpost.jp

Deux montres tirées de la production standard ont donc été testées pendant plusieurs heures et sur deux jours dans une eau à 3°C. Ce genre de test dynamique, dans une eau glaciale par 1000m de profondeur et de manière prolongée n’est évidemment pas possible en laboratoire, mais les deux montres testées ne montrèrent pas le moins soucis de fonctionnement, de précision, d’étanchéité ou d’apparence, descendant jusqu’à 1062m !

Pour information, les numéros de séries de ces deux montres sont 130229 et 140375. Si jamais vous tombez par hasard dessus, là c’est le jackpot !

En 1986, 3 années après ce test réussi par plus de 1000m de profondeur, Seiko sort la nouvelle version de la Golden Tuna, cette fois-ci étanche à 1000m. Aucune montre produite par Seiko depuis n’a dépassé cette limite puisque selon Seiko, cela ne ferait pas sens de créer une montre qui descendrait plus profond que là où n’importe quel plongeur pourrait aller.

Source: thehuffingtonpost.jp

Mais tout de même, les tests ont continué à se faire et le 6 Septembre 2014, Seiko et la Jamstec ont prouvé que les Tuna professionnelles pouvaient descendre sans soucis à plus de 3000m sous la surface sans le moindre problème, la version quartz d’arrêtant à 3284m et la version automatique à 4299 m. Cet arrêt est dû à la pression du verre sur les aiguilles, mais les montres étaient encore visiblement toujours étanches à ces profondeurs abyssales ! Il aurait été intéressant de savoir à quelle profondeur on pouvait observer de la casse, mais ces infos ou images n’ont évidemment pas été dévoilées par la marque.

Pour la petite histoire, j’ai eu le plaisir de partager cette vidéo avec un horloger spécialiste des tests d’usure et de résistance (tests tribologiques) et de vieillissement. Il a tellement apprécié ces images qu’il les a intégrées au cours qu’il donne dans une école d’horlogerie de Genève. Bientôt tous les horlogers Suisses connaîtront les prouesse de la légendaire Tuna !

Il se raconte que les plongeuses Seiko sont testées pour résister à trois fois la profondeur annoncée et on voit ici que c’est bien le cas avec les Tuna 1000m !

 

L’évolution de la Tuna: vraie ou fausse Tuna?

 

Ce design si particulier et unique ainsi que le succès de ce modèle ont amené Seiko à décliner ce style en de nombreuses montres. On retrouve ainsi la première génération en Hi Beat, très vite remplacée par la version à quartz, puis des versions kinetic, ana-digi (analogique et digital à la fois), puis automatique et Spring Drive. Ce design rentré dans le panthéon de Seiko sera repris dans les années 2010 pour tout un ensemble de plongeuses et autres montres robustes - mais pas « professionnelles » - dont voici quelques exemples.

Ces plongeuses loisir aux capacités d’étanchéité standard (200m) reprennent le look de la Tuna avec son fameux « shroud », mais est-ce qu’on peut vraiment encore parler de Tuna…

Alors certes, ce surnom lui vient de sa ressemblance esthétique avec une boite de thon - je suis d’ailleurs persuadé que Taro Tanaka est sûrement outré par ce vulgaire surnom ! - mais est-ce que ces montres font vraiment sens face aux plongeuses professionnelles d’origine?

Source: The birth of Seiko Professional Diver’s Watches par Ryugo Sadao

La Tuna a été conçue en réponse à des besoins très spécifiques comme nous l’avons vu. Son shroud lui permet d’être facilement nettoyée de la graisse et de l’huile que les plongeurs professionnels utilisent souvent lors de l’entretient de leur matériel, la forme permet de protéger la couronne et la lunette sans abimer les vêtements ou être prise dans les cables, tuyaux etc. Mais surtout, la Tuna d’origine avait un boitier monobloc dont la construction et les joints spécifiques permettaient une réelle étanchéité à l’hélium, ceci étant le point le plus important de cette montre. Au-delà d’une étanchéité à l’eau impressionnante, c’est surtout cette étanchéité à l’hélium qui rendait la Tuna si unique, la rendant apte à la plongée en saturation. Du coup, est-ce que les autres versions étanches à 200 ou 300m mais pas à l’hélium ne seraient pas que des ersatz, des versions diluées de la « vraie » Tuna? Est-ce que mettre un shroud sur n’importe quelle plongeuse en fait une Tuna?

Je pense que la réponse à cette question est très personnelle et dépendra de la vision de chacun. Personnellement j’ai décidé de commencer ma collection de Tuna avec un modèle 1000m monobloc et étanche à l’hélium parce que c’est pour moi l’essence même de ce modèle, mais je sais déjà que de nombreux autres modèles ne répondant pas à ce cahier des charges rejoindront mon poignet dès que possible ! Et puis comme nous l’avons vu un peu plus haut, ces Tunas répondent finalement aux besoins de nombreuses personnes qui ne sont pas pour autant des plongeurs en saturation mais qui ont plaisir à porter une montre hyper robuste, un morceau de l’histoire de Seiko ou juste une tocante qu’ils trouvent sympa à leur poignet ! Et comme le disait un grand homme, « au fond, c’qui compte c’est l’plaisir » !

Seiko Tuna Kinetic GMT SUN019Source: wellnet.com.au

Seiko Tuna Kinetic GMT SUN019

Source: wellnet.com.au

 

Rattraper et dépasser la Suisse: mission accomplie?

 

Ce slogan que l’on doit à Shoji Hattori, ancien PDG du groupe Seiko, a été le fil conducteur de tous les efforts de Seiko dans les années 60, et les succès furent nombreux.

On peut ainsi dire objectivement qu’ils ont rattrapé et dépassé la Suisse dans de nombreux domaines: dans la chronométrie sportive avec les JO de 1964 puis les Asian Games, dans les concours de chronométrie avec les fameux concours de Neuchâtel et Genève où les Japonais ont excellé de manière historique, dans la course à la commercialisation du premier chronographe automatique, dans la course à la commercialisation de la première montre à quartz, et j’en passe. Mais peut-on en dire autant au sujet des plongeuses?

Source: watchuseek.com

Je pense avant tout qu’il faut préciser cette question: peut-on en dire autant au sujet des plongeuses professionnelles ? En effet, il ne serait pas très cohérent de comparer la Tuna à une plongeuse standard, faite pour résister à 200m de profondeur et qui ne se pose pas la question de l’hélium. Je pense que dans le domaine des plongeuses professionnelles, la Tuna peut être comparée à la Rolex Sea Dweller, aux Oméga Seamaster Professional et Ploprof ou encore la Doxa Sub 300T Conquistador, des montres qui ont été pensées et/ou utilisées pour un usage professionnel, mais surtout pensées pour la plongée en saturation. Mais ces montres mythiques partagent presque toutes la même stratégie: elles utilisent toutes une valve à hélium. La montre laisse donc rentrer l’hélium puis, par l’utilisation de cette valve, la laisse s’échapper lors de la décompression. Les équipes de Seiko avaient une vision différent du problème de l’hélium: l’utilisation d’une valve à hélium implique un risque potentiel de défaillance supplémentaire de la montre, c’est pourquoi ils ont opté pour une solution plus complexe mais ô combien plus cohérente: tout simplement ne pas laisser l’hélium pénétrer dans la montre ! A noter que seule la Ploprof 600m n’utilise pas non plus de valve à hélium. Bien que toutes les autres plongeuses Suisses citées précédemment soient des montres mythiques et passionnantes également, cette histoire d’hélium place, à mon humble avis, la Tuna sur la première marche des meilleures plongeuses au monde !

Mais voyons me direz vous, il existe de nombreuses plongeuses étanches à plus de 1000m !! Comment peut-on dire qu’il n’y a pas mieux que la Tuna alors que d’autres montres peuvent aller plus profond?

Cette question est légitime évidemment. Mais il faut se poser la question de l’utilité de telles montres. En effet, une montre n’a d’utilité qu’au bras d’une personne. Or, comme cela a été précisé plus haut, le record de profondeur pour un humain est de 701m en plongée en saturation. A partir de là, pourquoi construire une montre étanche à 2000, 5000 ou 10000m ? Pour la prouesse? Oui, certes… C’est donc plus de la communication que de l’horlogerie, non? Ensuite, ces montres sont-elles étanches à l’hélium comme l’est la Tuna? Sont-elles portables et utilisables au quotidien (oui, c’est toi que je regarde Rolex Deepsea Challenge) ? Comment ces montres sont-elles testées et résistent-elles vraiment aux profondeurs annoncées? Tester une montre dans une machine qui simule une certaine pression, c’est autre chose que de mettre la-dite montre dans une eau proche de 0 degrés pendant plusieurs jours au bout d’un bras robotisé !

Bref, lorsque l’on prend en considération tous ces aspects et les tests comparatifs menés par Seiko avec des plongeuses Suisses, je pense personnellement que la Tuna est la meilleure plongeuse qui existe et il sera difficile de me faire changer d’avis !

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Conclusion

 

La Tuna se distingue avant tout par un look unique. Un look que j’ai mis beaucoup de temps à apprécier d’ailleurs. Mais quand on creuse un peu plus, on s’aperçoit qu’elle incarne la quête de l’étanchéité qui va au-delà des plongeuses et nous ramène aux Seiko 5, aux Silverwave et à cette évolution folle qu’a vécu Seiko dans les années 60. Elle incarne le dévouement des équipes de Seiko qui en seulement 10 ans est passé d’une simple plongeuse basique faite en vitesse sur un coin de table à la meilleure plongeuse au monde. C’est dingue de se dire que 15 ans avant la Tuna, aucune Seiko n’était étanche !! Elle incarne également le kaizen, ce processus d’amélioration continue tirée du bouddhisme, signifiant par extension « analyser pour rendre meilleur ». Elle incarne également le génie de Taro Tanaka, à mon sens le plus grand designer horloger au monde ! Elle incarne aussi ce fameux slogan de Shoji Hattori, « Rattraper et dépasser la Suisse ».

Pour moi cette montre est un condensé de l’ADN de Seiko, une montre attachante, une montre sans concession et tout simplement une des montres les plus mythiques de l’histoire de Seiko !

 

Sources:

  • Ryugo Sadao « The birth of Seiko Professional Diver’s Watches »

  • The Horological International Correspondance n°281

  • The Horological International Correspondance n°441

  • https://museum.seiko.co.jp/en/seiko_history/milestone/milestone_08/

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Arnaud.A Arnaud.A

Suwa vs Daini: l’histoire d’une rivalité

Quand on parle de Seiko vintage, il y a deux noms qui reviennent systématiquement: Suwa Seikosha et Daini Seikosha. Comme vous le savez sûrement, il s’agit des deux grands sites de production qui fabriquaient et fabriquent toujours (sous d’autres noms) les montres qui sont ensuite commercialisées par Seiko Watch Corporation.

Mais en fait, Suwa et Daini, c’est qui, c’est quoi?

Crédit: Anthony Kable www.plus9time.com

Crédit: Anthony Kable www.plus9time.com

Quand on parle de Seiko vintage, il y a deux noms qui reviennent systématiquement: Suwa Seikosha et Daini Seikosha. Comme vous le savez sûrement, il s’agit des deux grands sites de production qui fabriquaient et fabriquent toujours (sous d’autres noms) les montres qui sont ensuite commercialisées par Seiko Watch Corporation.

Mais en fait, Suwa et Daini, c’est qui, c’est quoi?

Il me semble utile de reprendre quelques notions historiques au sujet de ces deux usines, que ce soit pour mieux comprendre l’organisation générale de Seiko, la façon dont la marque a évolué depuis un siècle, mais aussi comment la rivalité fraternelle entre ces deux centres névralgiques de Seiko a pu être utilisée de manière positive par Seiko Watch Corporation pour propulser la marque au sommet de l’horlogerie mondiale.

Je vous propose donc dans un premier temps de reprendre un historique rapide et quelques points clés de l’histoire et l’évolution de Seikosha, de Daini et de Suwa, puis dans un deuxième temps d’illustrer la rivalité qui anime ces deux maisons depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à nos jours.


Seikosha


Daini Seikosha signifie littéralement « la seconde Seikosha ». Il faut donc parler d’abord de la première Seikosha…

L’usine Seikosha vers 1897 Crédit: https://museum.seiko.co.jp/en/seiko_history/company/company/001/

L’usine Seikosha vers 1897
Crédit: https://museum.seiko.co.jp/en/seiko_history/company/company/001/

Comme vous le savez, Kintaro Hattori a ouvert son atelier de réparation et de ventes d’horloges d’occasion dans le quartier de Ginza en 1881, sobrement appelé K Hattori. Les bénéfices tirés de cette activité lui permettent ensuite de devenir importateur, grossiste et détaillant d’horloges Européennes. Depuis le début, sa volonté est d’avoir sous sa responsabilité toutes les étapes de la vie d’un garde-temps, de sa fabrication à son entretien en passant par sa vente. Sa boutique ayant un franc succès, les bénéfices qu’elle génère lui permettent de racheter des locaux et d’ouvrir en 1892 sa propre usine de fabrication d’horloges qui seront vendues aux côtés des autres horloges importées dans sa boutique. C’est la naissance de Seikosha.

Initialement spécialisée dans la fabrication d’horloges, Seikosha se met ensuite à fabriquer des réveils, puis des montres de poches. À partir de 1913, Seikosha commence également à produire des montres bracelets.

Lorsque Kintaro Hattori décède en 1934, se sont ses deux fils Genzo et Shoji qui reprennent le flambeau. Ils prendront une décision très importante lors de leur arrivée à la tête de l’empire familial: séparer la fabrication de montres bracelets de celle des réveils et des horloges.

L’usine Seikosha en 1930Crédit: museum.seiko.co.jp

L’usine Seikosha en 1930

Crédit: museum.seiko.co.jp


Daini Seikosha


En 1937 est inauguré dans le quartier de Kameido l’usine «Daini Seikosha Kameido», littéralement “la deuxième Seikosha de Kameido”. Les horloges et réveils sont toujours produits par Seikosha et les montres bracelets sont fabriquées par Daini Seikosha.

Avec l’entrée en guerre des Japonais contre les Américains lors de la Seconde Guerre Mondiale, Tokyo est rasée par les bombes et Daini Seikosha n’échappe pas aux bombardements. Heureusement, les dirigeants du groupe avaient senti venir le danger. La quasi-totalité du personnel et du matériel est mis à l'abri au cœur des Alpes japonaises dans ce qui deviendra Suwa Seikosha.

Après la guerre, l’usine Daini Seikosha est reconstruite à Kameido et la production de montres reprend dès 1948. Cette usine fonctionnera durant 50 ans et fermera ses portes en 1998. Daini Seikosha changera de nom en 1983 pour devenir Seiko Instruments & Technology, puis en 1997 pour devenir Seiko Instruments Inc, ou SII ou SII pour les intimes. La majorité de la fabrication des pièces et des mouvements pour le marché Japonais est alors transférée dans le nord du Japon, à Morioka Seiko Instruments Inc., fondé en 1970. D’autres succursales sont ouvertes en Asie et au Brésil pour compléter l’offre de SII pour le marché international.

Aujourd’hui, SII (Seiko Instruments Inc.) est une des trois grandes entités du groupe Seiko, avec Seiko Holdings Corporation et Seiko Epson. Les montres fabriquées par SII et Seiko Epson sont commercialisées par Seiko Watch Corporation, une des branches de Seiko Holdings Corporation.

Pour compliquer un peu les choses, SII est depuis 2009 une branche de Seiko Holdings Corporation.

Crédit: http://orientplace.blogspot.com/2018/06/are-orient-and-seiko-truly-independent.html

Crédit: http://orientplace.blogspot.com/2018/06/are-orient-and-seiko-truly-independent.html


Les hauts faits de Daini Seikosha


Quelques créations sorties tout droit de Daini Seikosha ont marqué l’histoire de Seiko. On peut citer la Seiko Cronos, la naissance de King Seiko, la fameuse 44GS, la 45GS et son excellent calibre 45 décliné en version VFA et Astronomical Observatory Certified, les chronographes de poche des JO de 1964 dont les versions Hi Beat à rattrapante et ultra Hi Beat 360,000 alternances par heure, le fabuleux calibre 68 extra plat dont je vous ai déjà parlé dans cet article, l’excellent calibre 52, dernier calibre mécanique haut de gamme de Seiko avant le tsunami du quartz, puis ses évolutions modernes que sont les calibres 4S (ayant récemment évolué en 6L) puis le chronographe 6S. Enfin, il est impossible de ne pas citer le fameux calibre 9S de Grand Seiko dans toutes ses déclinaisons ainsi que le tourbillon Credor (basé sur le calibre 68), puisque c’est SII qui produit tous les mouvements des Grand Seiko et Credor mécaniques. Plus récemment, Grand Seiko a dévoilé son tourbillon à force constante dont il est question ici.

Boîtiers et cadrans sont fabriqués par Shokosha, un sous-traitant appartenant également au groupe Seiko.


L’identité de Daini Seikosha


Daini se distingue par une approche plus traditionnelle de l’horlogerie et plus particulièrement par sa maîtrise des hautes fréquences et des calibres ultra plats.

La 44GS de Daini est surtout connue pour son design mais son calibre 44 à remontage manuel est le meilleur calibre « low beat » (c’est à dire battant à 18,000 bph) que la marque ait produit, avec toute l’excellence de l’horlogerie classique mélangée au savoir-faire propre à Daini.

Bien que la Lord Marvel 36000 fut mise au point par Suwa, Daini a montré son expertise dans le domaine des hautes fréquences avec les chronographes de poche des JO de 1964 (dont certains battent à 36000 et même 360000 bph) ou le fameux calibre 45 Hi Beat à remontage manuel.

La 45GS VFA

La 45GS VFA

On peut également noter le calibre 19, seul mouvement Hi Beat pour femme au monde, qui équipe entre autre les 19GS dans sa version la plus haut de gamme. Les calibres modernes 9S8x Hi Beat et Hi Beat GMT en sont un autre exemple.

Les calibres ultra fins sont aussi une spécialité de la maison avec la Goldfeather sortie en 1960, la montre à seconde centrale la plus fine de son époque, puis le fameux calibre 68 toujours utilisé de nos jours chez Credor.

Les calibres mécaniques haut de gamme sont devenus la chasse gardée de SII, mais l’entreprise fait un grand écart entre ces mouvements et la fabrication à la chaîne de millions de mouvements quartz pour les différentes marques de Seiko ainsi que pour la distribution à d’autres marques.

De part sa longue implantation à Tokyo, les productions de Daini sont également très appréciées des collectionneurs Tokyoïtes !

Voici une excellente vidéo qui regroupe différentes productions de SII montrant leur quête vers les hautes fréquences.


Quelques noms associés à Daini


Shoichiro Komaki

Komaki san est un des grands noms derrière le succès de Seiko aux JO de 1964. Il a joué un rôle central dans la création des chronographes de poche qui ont permis à Seiko de décrocher le contrat. Il a également joué un rôle clé dans la participation de Daini aux concours de chronométrie Suisse et dans le développement des montres à quartz. Il était à la tête du pôle R&D de Daini durant cette période cruciale de l’histoire de la marque et a donc été un des moteurs de la réussite de Seiko dans ces moments décisifs.

Shoichiro Komaki Crédit: https://blog.canpan.info/nsk/archive/2542

Shoichiro Komaki
Crédit: https://blog.canpan.info/nsk/archive/2542

Akira Ohira

C’est l’acteur central dans le retour de Seiko sur le devant de la scène avec les montres mécaniques haut de gamme dans les années 90. C’est le père du calibre 9S et lui qui a formé tous les horlogers qui travaillent sur les GS mécaniques maintenant. Bien qu’il ait dépassé l’age de la retraite, il travaille encore pour Seiko, en particulier pour la formation des horlogers chargés du SAV de Seiko dans le monde entier. Il fut également en charge de l’installation d’usines SII en Asie et au Brésil.

Il est surnommé « le dieu du réglage » par les connaisseurs et est clairement la figure centrale mais trop peu connue de Morioka.

Plus d’information à son sujet ici.

Crédit: Ken Hokugo

Crédit: Ken Hokugo

Mamoru Sakurada

C’est le spécialiste du calibre 68 et longtemps le seul horloger abilité à toucher ces mouvements. La finesse des pièces et le fait qu’elles aient souvent été dans un premier temps gravé avec la plus grande délicatesse nécessite que la personne chargée de l’assemblage vérifie la planéité des ponts à la seule sensibilité de la pulpe de ses doigts, puis ajuste celle-ci d’une légère pression si cela s’avère nécessaire. Aujourd’hui à la retraite, il a transmi son savoir-faire à Katsuo Saito qui assure maintenant la relève.

Mamoru Sakurada Crédit: https://dreamsquare.seikowatches.com/jp-ja/

Mamoru Sakurada
Crédit: https://dreamsquare.seikowatches.com/jp-ja/

Katsuo Saito Crédit: Hodinkee

Katsuo Saito
Crédit: Hodinkee

Satoshi Hiraga et Tsutomu Ito

Satoshi Hiragana et Tsutomu Ito représentent la nouvelle garde des horlogers de SII. Rentrés chez Seiko à peu près au même moment (1989 et 1991), ils ont été tous les deux formés par Akira Ohira. Aujourd’hui, Satoshi Hiraga est entre autres en charge de l’assemblage du tourbillon calibre 6830 alors que Tsutomu Ito est responsable de l’assemblage des calibres 9S et il est particulièrement réputé pour l’ajustement des spiraux. Hiraga san est habitué à voyager à travers le monde pour participer à divers évènements et vous l’avez peut-être déjà croisé dans une soirée spéciale d’une des Seiko boutiques de France ou d’ailleurs.

Satoshi Hiraga Crédit: paflechien33 sur lallement.com

Satoshi Hiraga
Crédit: paflechien33 sur lallement.com

Tsutomu Ito Crédit: http://seiko.aydinsaat.com/world/tokinowaza/ito/interview/

Tsutomu Ito
Crédit: http://seiko.aydinsaat.com/world/tokinowaza/ito/interview/

Voici une vidéo absolument exceptionnelle, déterrée des tréfonds du YouTube Japonais. Vous pouvez y voir un jeune Ito san à l’établi avec son sensei Ohira San par-dessus son épaule qui lui transmet son savoir-faire légendaire. Les deux homme partagent aussi un repas et quelques bières avec Sakurada san. C’est une vraie émotion que de voir ces grands noms réunis, il y a 20 ans en arrière… Même sans comprendre le Japonais, ces images sont précieuses et le testament d’une grande époque à Morioka…


Suwa


Image tirée de The Seiko Book

Image tirée de The Seiko Book

En 1942, Hisao Yamasaki fonde dans la ville de Suwa, au cœur des Alpes Japonaises, la compagnie Daiwa Kogyo qui devient sous-traitant pour Daini Seikosha. L’année suivante, Daini et Daiwa Kogyo fusionnent et Daini envoie des employés et un maximum de machines loin de Tokyo, à l’abri des bombes qui pleuvent. C’est la création de Daini Seikosha Suwa, à ne pas confondre avec Daini Seikosha Kameido situé à Tokyo. En 1959, le nom change pour devenir tout simplement Suwa Seikosha après la fusion acquisition des deux entités.

Bien que Suwa fut fondée et construite grâce aux moyens et au personnel de Daini Seikosha, les deux entreprises sont bien deux entités totalement séparées, aussi bien d’un point de vue administratif que financier ou organisationnel .

À l’instar de Daini, Suwa fabrique ses propres montres qui sont commercialisées par K Hattori (futur Seiko Watch Corporation).

L’entreprise sera très fortement influencée par Tsuneya Nakamura qui terminera d’ailleurs sa carrière comme président.

Lors des JO de 1964, Suwa invente ni plus ni moins que l’imprimante éléctronique qui permet d’imprimer les résultats des épreuves chronométrées. Quelques années plus tard en 1968 sort l’EP-101 (pour Electronic Printer), qui donnera son nom à Epson, pour « son of Electronoic Printer ». En 1985, Suwa Seikosha prendra le nom de Seiko Epson.

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Mais de nos jours, on peut noter que Seiko Epson possède deux marques de montres qui ne sont pas distribuées par Seiko Watch Corporation mais directement par eux: Trume et Orient.

Les hauts faits de Suwa

C’est à Suwa que l’on doit des innovations majeures pour Seiko comme le Magic Lever (système de remontage automatique), la première montre à quartz, le premier chronographe automatique au monde, l’invention des mouvements Kinetic et Spring Drive etc.

C’est évidemment aussi chez Suwa que l’on voit naître Grand Seiko et des familles emblématiques et très modernes de GS pour leur époque comme les 62GS automatiques ou la 61GS Hi Beat automatiques, concurrente de la 45GS Hi Beat manuelle de Daini. Les 56GS seront elles le début de l’industrialisation des montres avec des mouvements assemblés à la chaîne, montrant là aussi la modernité propre à Suwa.

Cherchez l’intru… Crédit: Ikigai Watches

Cherchez l’intru…
Crédit: Ikigai Watches

Suwa s’est aussi distingué avec la création de toutes les premières plongeuses de Seiko, de la 62MAS à la Tuna quartz, sous la direction de Taro Tanaka.

Mais évidemment, Suwa s’est démarqué sur la scène mondiale en 1969 avec la commercialisation à quelques mois d’écart du premier chronographe automatique au monde et de la première montre à quartz au monde.

Crédit: https://www.theseikoguy.com/how-many-astron/

Crédit: https://www.theseikoguy.com/how-many-astron/

Deux Speed-Timer faisant partie des tout premiers chronographes automatiques au monde Crédit: inconnu

Deux Speed-Timer faisant partie des tout premiers chronographes automatiques au monde
Crédit: inconnu

Aujourd’hui Seiko Epson se distingue par la fabrication des Seiko Astron GPS, des Grand Seiko et Credor à quartz et Spring Drive, et avec le fameux Micro Artist Studio. Tout comme SII, ils fabriquent aussi des mouvements quartz entrée de gamme par millions. À la différence de SII, Seiko Epson fabrique et poli la grande majorité de ses boitiers alors que SII travaille avec leur sous-traitant historique Hayashi Seiki Seizo.


L’identité de Suwa Seikosha



Si Daini représente une approche traditionnelle de l’horlogerie, Suwa incarne la modernité et l’innovation. Je pense qu’il n’est pas exagéré d’attribuer au moins en partie ces caractéristiques à Tsuneya Nakamura, figure centrale de Suwa.

Les Grand Seiko modernes sont une parfaite illustration de cette différence entre les deux maisons. Au-delà des mouvements mécaniques qui sont propres à SII Morioka et des Quartz et Spring Drive propres à Seiko Epson, le design des montres, les matériaux utilisés ou encore les cadrans que l’on retrouve aujourd’hui sur les GS de Shiojiri (ville proche de Suwa où sont fabriquées les GS 9F et 9R) montrent un approche plus moderne et novatrice, là où les modèles mécaniques de Morioka se veulent plus sobres et traditionnels dans leur approche de l’horlogerie. Ca n’est d’ailleurs que récemment avec les plongeuses Hi Beat SBGH255 et 257 de Morioka a produit des GS typées sport.



Quelques noms associés à Suwa



Tsuneya Nakamura

Son nom ayant déjà été cité plusieurs fois, vous vous doutiez sûrement qu’il allait apparaître ici. Nakamura faisait partie des employés de Daini à être envoyé à Suwa pendant la guerre. Il est l’inventeur du Magic Lever mais il dirigera aussi tous les projets essentiels de Suwa, de la création de Grand Seiko aux concours de chronométrie en passant par la création de la première montre à quartz au monde. Comme cela a été dit un peu plus tôt, il finira sa carrière comme président de Suwa Seikosha.

Plus d’informations sur ce grand homme ici

Tsuneya Nakamura

Tsuneya Nakamura


Kiyoko Nakayama

La seule femme dans l’histoire de la marque à avoir son nom cité quelques rares fois, Nakayama s’est distinguée par ses capacités en tant que régleuse. Elle fait partie des meilleurs horlogers de Suwa Seikosha et a participé aux concours de chronométrie en Suisse. Elle explique que son succès est dû à deux choses: elle ramenait des mouvements à la maison pour continuer à s’entraîner, et surtout elle ne transpire pas des mains, ce qui d’après elle est essentiel pour que les pièces assemblées ne s’oxydent pas. Après les concours de chronométrie, elle fit partie de l’équipe en charge d’assembler et de régler les 61GS VFA.

Crédit: https://www.plus9time.com/seiko-the-neuchtel-chronometer-competition

Crédit: https://www.plus9time.com/seiko-the-neuchtel-chronometer-competition


Tokuaki Miura

Miura san fait partie de ces noms inconnus de la plupart des amateurs de Seiko, et pourtant il fut un des acteurs essentiels de l’histoire de la marque. Designer chez Suwa Seikosha, diplômé de l’Université des Arts de Tokyo, c’est à lui que l’on doit le design de nombreux chronographes iconiques de la marque comme le fameux chronographe Pogue et les autres déclinaisons des 6139-600x, y compris la version Sunrise ou encore le chrono Panda et le Holy Grail. C’est aussi lui qui a créé le logo de Suwa surnommé en Japonais « le nombril ».

Le logo « nombril » du Suwa, à ne pas confondre avec le logo éclair de Daini

Le logo « nombril » du Suwa, à ne pas confondre avec le logo éclair de Daini


Yoshikazu Akahane

Yoshikazu Akahane est surtout connu pour être le cerveau derrière l’idée et la conception du Spring Drive. Il s’est écoulé environ 30 ans entre le moment où l’idée a germé dans sa tête et la commercialisation des premiers Spring Drives, qu’il ne verra malheureusement pas puisqu’il décédera juste avant. Cette petite révolution horlogère, ou la révolution silencieuse comme Seiko aime l’appeler, ne doit son existence qu’à la ténacité d’Akahane qui poursuivra ses recherches en dehors de ses heures de travail et malgré l’opposition de ses supérieurs.

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Kenji Shiohara

À la fin des années 90, Shiohara fait partie des derniers horlogers de Seiko Epson a avoir été formé dans les années 70 et avec de vraies compétences en horlogerie mécanique. C’est lui qui est chargé de réparer la montre du président de l’entreprise, une montre mécanique Jean Lassale (unique marque Suisse appartenant à Seiko) de seulement 1,2mm d’épaisseur. En échange, il demande de pouvoir créer un petit atelier qui aura pour but de perpétrer le savoir-faire de Seiko dans la haute horlogerie et en particulier avec l’idée de faire des montres vraiment durables.

Il fonde le Micro Artist Studio et crée avec son équipe des montres mythiques comme les Credor Eichi, Sonnerie et Répétition Minute. Le MAS étant une émanation d’Epson, vous comprenez maintenant pourquoi ils ne proposent que du Spring Drive.

Shiohara à l’écoute d’un bol Orin dont on retrouve une version miniaturisée dans la Credor SonnerieCrédit: https://quillandpad.com/2020/09/13/seikos-secret-specialist-haute-horlogerie-micro-artist-division-in-japan/

Shiohara à l’écoute d’un bol Orin dont on retrouve une version miniaturisée dans la Credor Sonnerie

Crédit: https://quillandpad.com/2020/09/13/seikos-secret-specialist-haute-horlogerie-micro-artist-division-in-japan/

Crédit: https://global.epson.com/innovation/artisan/awards.html

Crédit: https://global.epson.com/innovation/artisan/awards.html


Yoshifusa Nakazawa

Nakazawa est le visage du Micro Artist Studio. Natif de Suwa, il rejoint la grande entreprise locale en 1979 et remporte en 1981 la médaille d’or au Olympiades des Métiers d’Atlanta dans la catégorie réparation de montres. Héritier de Shiohara, il est maintenant chargé de transmettre tout son savoir sur l’assemblage de ces pièces d’exceptions, en particulier de la Sonnerie, à la prochaine génération. Vous l’avez probablement aperçu dans les vidéos d’Hodinkee ou divers articles sur le Micro Artist Studio.

Crédit: https://www.seikowatches.com/global-en/special/tokinowaza/nakazawa/interview/

Crédit: https://www.seikowatches.com/global-en/special/tokinowaza/nakazawa/interview/

Shiohara san et Nakazawa san  Crédit: https://watchesbysjx.com/2011/12/28

Shiohara san et Nakazawa san
Crédit: https://watchesbysjx.com/2011/12/28

Nakazawa san et une de ses disciples, Masuda san. Le relève est assurée. Quand on dit que le MAS est sous des escaliers, ça n’est pas une blague… Crédit: https://deployant.com/inside-seiko-the-micro-artist-studio/

Nakazawa san et une de ses disciples, Masuda san. Le relève est assurée. Quand on dit que le MAS est sous des escaliers, ça n’est pas une blague…
Crédit: https://deployant.com/inside-seiko-the-micro-artist-studio/


La rivalité


Seiko Watch Corp, chargée de formuler ses demandes à Suwa et Daini, a utilisé la séparation de ces deux entités pour mettre en place une forme de rivalité fraternelle, une saine émulation qui a permis de vraies évolutions et qui a poussé chaque entité à se dépasser systématiquement, rendant ainsi Seiko toujours plus compétitif et novateur. Bien que cette rivalité soit présentée ici sous forme de « duels », il faut bien voir qu’il s’agit de quelque chose de moins fixé que ça, plutôt d’une dynamique.

Cette rivalité est née dans les année 50 lorsque Suwa produit la Seiko Super.

Daini répond en 1955 avec la Unique, très semblable à la Super mais 0,3mm plus fine.

Suwa réplique en 1956 avec la Marvel, une des montres les plus importantes dans l’histoire de Seiko, marquant son entrée dans l’ère moderne. Son impact fut énorme, que ce soit par son succès commercial, son succès aux concours de chronométrie au Japon ou par les montres qu’elle inspira (Crown, Lord Marvel, Grand Seiko, Crown Chronograph…).

Voici quelques « duels » mémorables entre des montres produites par les deux rivaux.


Commençons avec un duo… de trois montres !
La Super est la première montre moderne que Seiko commercialise après la seconde guerre mondiale, en 1950.
En 1955, Daini répond avec la Unique, qui sera très vite éclipsée l’année par la Marvel de Suwa, une montre essentielle dans l’histoire de Seiko.

La Super de Suwa (sortie en 1950), première Seiko avec une seconde centraleCredit: Chrono24

La Super de Suwa (sortie en 1950), première Seiko avec une seconde centrale

Credit: Chrono24

La Seiko Unique de Daini (1955) Crédit: Catawiki

La Seiko Unique de Daini (1955)
Crédit: Catawiki

La Seiko Marvel de Suwa (1956), la montre qui signe l’entrée de Seiko dans une nouvelle ére. Crédit: Ikigai Watches

La Seiko Marvel de Suwa (1956), la montre qui signe l’entrée de Seiko dans une nouvelle ére.
Crédit: Ikigai Watches



Un des duels cruciaux de la fin des années 50 est celui qui oppose la Cronos de Daini (1958) et la Crown de Suwa (1959). Les deux seront également déclinés en version « Special ». La Cronos est en fait la réponse de Daini à la Marvel de Suwa. La Crown, évolution de la Marvel, est elle la réponse à la Cronos.

Une superbe Cronos Special de Daini. Le logo sur le cadran à 6h est le logo SD (pour Special Dial) qui indique des index en or massif.Crédit: king-collector sur caroussel.sg

Une superbe Cronos Special de Daini. Le logo sur le cadran à 6h est le logo SD (pour Special Dial) qui indique des index en or massif.

Crédit: king-collector sur caroussel.sg

La Crown Special de Suwa, avec ici le logo Applique Dial à 6h Crédit: watch_bar_by_awb sur Caroussel.sg

La Crown Special de Suwa, avec ici le logo Applique Dial à 6h
Crédit: watch_bar_by_awb sur Caroussel.sg


La rivalité de la Cronos et de la Crown va évoluer avec leurs descendantes: les King Seiko (1961) et Grand Seiko (1960)

Crédit: Anthony Kable Plus9Time.com

Crédit: Anthony Kable Plus9Time.com

Crédit: https://www.specialdial.com/product-page/grand-seiko-first-carved-logo-october-1960

Crédit: https://www.specialdial.com/product-page/grand-seiko-first-carved-logo-october-1960


La deuxième génération de KS et GS continue la rivalité entre Daini et Suwa avec la King Seiko 49999 et la Grand Seiko 43999

King Seiko 49999 Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/95738

King Seiko 49999
Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/95738

Grand Seiko 43999 Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/103718

Grand Seiko 43999
Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/103718


Après 1966, Daini et Suwa se mettent tout deux à produire des Grand Seiko et la rivalité continue avec leurs modèles Hi Beat respectifs sortis en 1968: la 45GS manuelle de Daini et la 61GS automatique de Suwa.

45GS de Daini Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/104006

45GS de Daini
Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/104006

61GS de Suwa Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/104283

61GS de Suwa
Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/japanwatch/seiko/104283

Suwa VS Daini avec les versions or 18 carats de la 61GS et de la 45GS Crédit: www.theseikoguy.com

Suwa VS Daini avec les versions or 18 carats de la 61GS et de la 45GS
Crédit: www.theseikoguy.com


Suwa et Daini produiront chacun leurs chronographes automatiques, avec la série 61 pour Suwa et la série 70 pour Daini.

La Baby Panda et la Panda de Suwa équipées du calibre 6138 Crédit: r3born sur Reddit

La Baby Panda et la Panda de Suwa équipées du calibre 6138
Crédit: r3born sur Reddit

Quelques chronographes de Daini équipés du calibre 7018Crédit: https://vintagewatchinc.com/seiko/7018-chronograph/

Quelques chronographes de Daini équipés du calibre 7018

Crédit: https://vintagewatchinc.com/seiko/7018-chronograph/

Suwa VS Daini Crédit: https://vintagewatchinc.com/seiko/7018-chronograph/

Suwa VS Daini
Crédit: https://vintagewatchinc.com/seiko/7018-chronograph/


Bien que ce soit Suwa qui ait commercialisé la toute première montre à quartz au monde, Daini était également dans la course. Les références de ces modèles montrent d’ailleurs bien la course entre les deux maisons. Pour la toute première génération de quartz, Suwa propose la 35SQ et Daini la 36SQ, puis les calibre 38 (Suwa) et 39 (Daini) pour la seconde génération. Ce seront les premiers quartz commercialisés de manière plus large.

La mythique 35SQ de Suwa Crédit: https://www.theseikoguy.com/how-many-astron/

La mythique 35SQ de Suwa
Crédit: https://www.theseikoguy.com/how-many-astron/

La très rare 36SQ Calendar de Daini Crédit: https://watchvietnam.vn/kien-thuc/luoc-su-hang-seiko-mot-cuoc-hanh-trinh-vi-dai-chuong-6-bai-2-het-chuong.html

La très rare 36SQ Calendar de Daini
Crédit: https://watchvietnam.vn/kien-thuc/luoc-su-hang-seiko-mot-cuoc-hanh-trinh-vi-dai-chuong-6-bai-2-het-chuong.html

La superbe Quartz Superior équipée du calibre 3883, le modèle le plus abouti de la famille 38.

La superbe Quartz Superior équipée du calibre 3883, le modèle le plus abouti de la famille 38.

La Seiko 39VFA de Daini avec son système de led clignotante assez unique en son genre. Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/

La Seiko 39VFA de Daini avec son système de led clignotante assez unique en son genre.
Crédit: Kyotoya Pawn Shop https://tokei.blog/


Bien qu’il serait possible de continuer encore et encore sur les modèles qui incarnent le mieux la compétition entre ces deux entités, je vous propose de conclure sur deux Grand Seiko modernes qu’il serait évident de présenter ensemble pour imager la rivalité de ces deux maisons.

Les deux GS les plus emblématiques de cette concurrence fraternelle qui existe toujours depuis 70 ans sont la Snowflake de Seiko Epson (Suwa) et la Mont Iwate de SII (Daini).

La Snowflake, Spring Drive et titane, moderne et high tech, et la Mont Iwate, Hi Beat et boitier 44GS

La Snowflake, Spring Drive et titane, moderne et high tech, et la Mont Iwate, Hi Beat et boitier 44GS

Conclusion

Ce tour d’horizon devrait vous avoir donné une vue d’ensemble de la dynamique qui anime Suwa et Daini, ou Seiko Epson et Seiko Instrument Inc comme on les appelle aujourd’hui, ainsi qu’une idée des montres et des personnes qui incarnent le mieux ces deux entités à mon sens.

Comprendre la rivalité entre ces deux centres névralgiques de Seiko permet de mieux comprendre comment les montres sont faites et comment l’offre est compartimentée. Cette compréhension permet aussi de voir comment les deux manufactures se sont spécialisées avec le temps pour développer des caractéristiques assez spécifiques. Avec l’habitude, vous serez même en mesure de reconnaître d’où vient telle ou telle montre uniquement avec son design, les deux maisons ayant des identités propres qui se ressentent jusque dans les détails.

Mais l’histoire de Suwa et Daini ne se résume pas uniquement à une rivalité: en effet par le passé on a déjà vu à quelques rares occasion une collaboration entre Suwa et Daini, principalement avec les plongeuses des années 60/70 comme la 62MAS donc une partie des derniers modèles a été manufacturée chez Daini, comme ce fut le cas également pour la 6105-8000.

Au final, c’est Seiko Watch Corporation qui joue le rôle de chef d’orchestre et qui permet des synergies parfois nécessaires à ce que cette mécanique soit parfaitement huilée !

Vous savez donc maintenant exactement ce qui sépare et distingue Suwa et Daini et pourquoi les Grand Seiko modernes viennent de deux manufactures différentes, avec chacune leurs spécificités propres ! Ces deux maisons n’ont donc plus de secrets pour vous maintenant !

Crédit: www.grandseikoGS9club.com/history

Crédit: www.grandseikoGS9club.com/history




Un grand merci à Andrea Secco de @TheSeikoGuy ou www.theseikoguy.com pour la magnifique photo utilisée en miniature et en bannière et les quelques photos empruntées. Je vous conseille de mettre directement son excellent site dans vos favoris !
Un grand merci également à Anthony Kable @akable de www.plus9time.com pour l’utilisation de toutes les illustrations, images et photos puisées sur son fabuleux site que je recommande très chaudement à tous les anglophones !








Sources:

https://www.plus9time.com

https://www.theseikoguy.com

https://www.watch-wiki.net/index.php?title=Seiko_35

https://www.watch-wiki.net/index.php?title=Seiko_36

https://www.watch-wiki.net/index.php?title=Seiko_38

https://www.watch-wiki.net/index.php?title=Seiko_39

https://www.seikowatches.com/fr-fr/special/tokinowaza/nakazawa/interview/

https://quillandpad.com/2020/09/13/seikos-secret-specialist-haute-horlogerie-micro-artist-division-in-japan/

https://museum.seiko.co.jp/en/seiko_history/milestone/milestone_06/

http://seiko.aydinsaat.com/world/tokinowaza/ito/interview/

https://global.epson.com/company/corporate_history/timeline/

https://global.epson.com/IR/library/integrated2019/vision/

https://www.plus9time.com/blog/2017/3/30/japan-winter-2017-trip

https://watchvietnam.vn/kien-thuc/luoc-su-hang-seiko-mot-cuoc-hanh-trinh-vi-dai-chuong-6-bai-2-het-chuong.html

https://www.watchonista.com/articles/history/history-quartz-weekend-part-1-seiko-revolution

http://www.shizukuishi-watch.com/eng/intro.html

https://www.plus9time.com/seiko-case-back-information/

The Seiko Book

The History of the Seiko 5 Sports Speed -Timer - Ryugo Sadat

Seiko - A journey in Time

Rattraper et dépasser la Suisse - Pierre-Yves Donzé

12 faces of time - Elizabeth Doerr

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Arnaud.A Arnaud.A

L’histoire des Seiko 5

Seiko 5 est peut être la gamme la plus populaire de l’histoire de Seko mais c’est aussi une de celles dont on parle le moins quand on se plonge dans le passé de la marque. Et pourtant, l’histoire de cette gamme très sous-estimée est vraiment passionnante et n’a rien à envier aux autres grands noms de la marque. Voyons ça ensemble d’un peu plus près…

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Introduction

Les Seiko 5 font partie des modèles de la firme Tokyoïte les plus connus. Nombreux sont les amateurs de montres ayant découvert l’horlogerie grâce à un de ces modèles aussi abordable que robuste et fiable.

Les Seiko 5 ont aujourd’hui cette réputation qui leur colle au boîtier: ce sont des montres cheap qui permettent de découvrir les joies des montres mécaniques pour quelques dizaines ou centaines d’euros.

Pourtant, il se cache derrière cet écusson une histoire bien plus intéressante qu’il n’y paraît… Une histoire qui remonte au début des années 60 et nous amènera à redécouvrir certains des plus grands moments de la marque !

Je pense qu’on peut dire que la gamme Seiko 5 est clairement une des plus importantes dans l’histoire de la marque et qu’elle a changé celle-ci en profondeur et de manière extrêmement significative.

Voyons tout ça d’un peu plus près…

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Un pédigrée de haut vol

Voici une question qui en surprendra peut-être quelques-uns: quel est le point commun entre Seiko 5 et Grand Seiko?

Ces deux gammes incontournables et aujourd’hui aux antipodes de ce que propose la marque sont le fruit du travail conjoint des trois plus grands noms de l’histoire moderne de Seiko: Taro Tanaka, son mentor Ren Tanaka et Tsuneya Nakamura.

Taro Tanaka est connu pour sa grammaire du design utilisée chez Grand Seiko, mais son impact sur la marque est bien plus important que ça. Il a participé à de nombreux grands projets que ce soit en tant que designer des Seiko 5, mais aussi en tant qu’instigateur du “standard millimétrique” ou que père des mythiques plongeuses Seiko.

Son mentor Ren Tanaka a participé à faire basculer Seiko dans une ère moderne que ce soit via son intérêt pour le marketing à l’occidentale (qui débouchera sur les Disney Time puis les Seiko 5) ou son implication dans le service client ou d’autres projets de l’ombre . C’est entre autre à lui que l’on doit les noms de King Seiko et Grand Seiko, ou encore le logo et les couleurs de Seiko, encore utilisés aujourd’hui.

Tsuneya Nakamura est le père de la Marvel, de la Gyro Marvel, du calibre de la première Grand Seiko, il a participé et encadré les équipes de Suwa Seikosha aux concours de chronométrie de Neuchatel et Genève et il fut également impliqué dans le développement du mythique mouvement à quartz de l’Astron avant de devenir président de Suwa Seikosha. Un autre monument de Seiko.

Mais parmi les faits d’armes les plus glorieux de ces trois hommes, la création des Seiko 5 tient une place très importante tant son impact fut majeur !



Ren Tanaka: le point de départ et le marketing

Le concept même des Seiko 5 est né dans l’esprit génial de Ren Tanaka, un passionné de marketing à une époque où celui-ci n’existait simplement pas au Japon. Après avoir créé la gamme Disney Time, une petite révolution marketing qui avait pour but de « planter la graine » de Seiko dans la tête des bambins Japonais pour en faire les clients de demain, il crée un produit pensé pour les jeunes Japonais mais également les jeunes du monde entier: les Seiko Sportsmatic 5.

Credit: The Horological International Correspondance

Credit: The Horological International Correspondance

Il faut comprendre que dans les années 50, Seiko fabriquait des produits et se souciait ensuite de comment faire pour les vendre, de manière plus ou moins habile. Ren Tanaka, en découvrant le marketing, se rend compte qu’il serait plus intéressant de faire l’inverse: faire des produits qui se vendent et pour ça, il faut répondre à une demande. Ca n’est plus au client de trouver un produit qui lui plait dans l’offre de la marque, c’est à la marque de s’adapter à ce que veulent les clients. Cela peut sembler anecdotique mais c’est un vrai changement de paradigme pour la marque !

C’est dans cette optique qu’il décide de créer une gamme de montres abordables,modernes et destinées aux jeunes. Par nécessité de rester abordables, ce sera donc un produit de masse. Mais le souhait dès le début est également d’en faire une gamme internationale. Elles seront commercialisées d’abord au Japon à partir de Septembre 1963, soit un an avant les JO de Tokyo, un événement d’ampleur planétaire qui verra des dizaines de milliers d’étrangers débarquer au Japon. C’est l’opportunité rêvée pour pour lancer la première gamme internationale de la marque, qui profitera de la visibilité qu’offre l’évènement à Seiko, puisque la marque s’avère être le chronométreur officiel de la compétition ! Que demander de mieux comme publicité ?

La première « Five » sort donc en Septembre 1963 avec le nom Sportsmatic 5 et signe le début d’une grande aventure et d’un succès encore jamais atteint par la marque jusqu’à présent.

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Tsuneya Nakamura: le mouvement

La conception du mouvement sera confiée à Tsuneya Nakamura et à ses équipes de Suwa Seikosha. Au début des années 60, le remontage automatique est synonyme de modernité et fait partie des attributs obligatoire d’une Seiko 5. Nakamura étant le créateur de la mythique Gyro Marvel et de tous les succès de Seiko depuis l’après-guerre, il semble normal de lui confier à nouveau ce challenge. En tant que responsable du développement des calibres de Suwa Seikosha, il crée le calibre 410 qu’il envoie aux designers de K Hattori à Tokyo, dont l’équipe est dirigée par Taro Tanaka.

Tsuneya Nakamura in 1969. Source: Anthony Kable www.plus9time.com

Tsuneya Nakamura in 1969. Source: Anthony Kable www.plus9time.com

Le calibre 410 n’était pas un mouvement bas de gamme mais plutôt un mouvement automatique relativement fin qui propose le jour et la date, généreusement empierré de 21 rubis, pour un rapport qualité/prix excellent. À sa sortie, il est clairement supérieur aux mouvements entrée de gamme de la marque dont il est l’évolution. En effet, il s’agit de l’évolution du calibre 436 que l’on retrouve dans les Sportsman 17 et il est très proche du calibre 245 de la Sportsmatic.

Extrait de The Horological International Correspondance

Extrait de The Horological International Correspondance

Les équipes de Suwa Seikosha envoient donc ce nouveau calibre 410 à Taro Tanaka qui travaillera avec eux d’arrache pied pour mettre au point le calibre qui répondra aux besoins de cette nouvelle gamme.

 


Taro Tanaka: le design

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Le jour et la date dans un guichet unique: un vrai casse-tête

C’est là qu’entre en jeu le fameux designer. Le mouvement qu’il reçoit de Suwa propose la date à 3h et le jour à 6h dans une large fenêtre rectangulaire, dans le style des Seikomatic Weekdater. Mais voilà, Taro Tanaka ne trouve pas la lecture des informations très ergonomique. En effet, de la même manière qu’il est utile d’avoir les heures, les minutes et les secondes sur le même axe afin de lire ces trois informations d’un seul coup d’œil, il considère que le jour et la date devraient être lus d’un seul coup d’œil en apparaissant dans une large guichet unique à 3h, une caractéristique alors jamais vue sur aucune montre que ce soit et qui deviendra une signature des Seiko 5.

À cette époque, rares sont les montres dites « daydate » qui proposent l’affichage du jour de la semaine et de la date. L’exemple le plus connu est celui de la Rolex Daydate avec son fameux guichet de jour à 12h et sa date à 3h. D’autres proposent le jour à 6h.

Une idée vient alors à l’esprit de Taro Tanaka.

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En Japonais, les jours de la semaines sont composés de trois caractères (ou kanji), le premier étant celui d’un « élément » (le feu, l’eau, le bois, le sol etc), les deux autres signifiant tout simplement « jour de la semaine ». Par exemple lundi se dit littéralement « jour de la lune », comme Monday en anglais, et s’écrit 月曜日, mardi 火曜日 (jour du feu), 水曜日 pour mercredi (jour de l’eau) etc. Puisque tous les jours de la semaine finissent par les kanji 曜日, il lui suffit d’afficher le premier kanji pour comprendre en un coup d’oeil quel jour nous sommes, 月 pour lundi, 火 pour mardi, 水 pour mercredi etc. Cette idée réduit énormément la taille nécessaire pour afficher le jour et permet donc de le faire apparaître de manière très lisible à côté de la date.

Ces montres étant pensées pour le marché international, il faut ensuite trouver comment indiquer le jour en anglais. À l’image du Japonais, les jours en Anglais finissent tous par DAY, il suffit donc d’afficher les premières lettres pour comprendre facilement le jour de la semaine, MON pour Monday, TUE pour Tuesday, WED pour Wednesday etc.

C’est donc à Taro Tanaka que l’on doit cet affichage simple et efficace, très largement répandu aujourd’hui et développé à l’origine pour les Seiko 5 !

Un autre soucis occupe l’esprit de Taro Tanaka: il y a un espace entre le disque des jours et celui de la date qui ne peut être réduit et qui est du plus mauvais effet. La solution la plus probante sera de mettre le disque de date en noir, ce qui permet de ne plus voir l’écart entre les deux disques !

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Cet affichage ultra pratique et ergonomique est vraiment unique et de manière générale il existe peu de montre day-date à l’époque, y compris en Suisse, et Taro Tanaka commence la paperasse et le dossier pour le bureau des brevets, mais les dirigeants de l’époque estiment que ce brevet doit déjà avoir été déposé en Suisse et ne veulent pas prendre le risque de se ridiculiser en proposant un brevet déjà existant. Taro Tanaka fait ses recherches et insiste: ce système ne semble vraiment pas exister en Suisse et le brevet serait un argument intéressant pour les Seiko 5. Les dirigeants lui demandent fermement de ne rien faire, prétextant que ce sont les performance et le côté cool des montres qui font vendre, pas les brevets…

Ironiquement, avec le succès des Seiko 5 et de l’intérêt que suscitait ce guichet unique pour le jour et la date, beaucoup de personnes demandèrent par la suite à Tanaka pourquoi il n’avait pas fait breveté son design… Même des années après, il est facile de sentir l’amertume de Taro Tanaka à la lecture de ses explications !

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Le reste du design extérieur comprend trois autres points essentiels: l’étanchéité, indispensable à une montre moderne pensée pour les jeunes, la couronne à 4h et le bracelet en métal.


L’étanchéité et le standard millimétrique

Au début des années 60, l’étanchéité reste quelque chose d'encore assez peu répandu et il était ancré dans l’inconscient collectif qu’une montre craint l’humidité et l’eau, d’autant plus dans un pays comme le Japon. Les montres vraiment étanches étaient souvent assez épaisses et associés à des usages spécifiques, mais la plupart des montres de la vie de tous les jours n’étaient pas vraiment étanches.

Cette étanchéité fut rendue possible grâce à un travail phénoménal de Taro Tanaka que l’on appelle le standard millimétrique ou standard extérieur.

En effet, lorsque Tanaka rejoint Seiko à la fin des années 50, ils utilisent encore la ligne, unité de mesure de l’Ancien Empire, dont la plus petite division fait 0,564mm.

Pourtant à ce moment-là, les fabricants de cadrans et de boîtiers travaillent déjà avec le millimètre et avec une marge d’erreur de l’ordre de 0,05mm. Comme le design des montres s’avère très approximatif dans les dimensions, le travail avec les fabricants de cadrans et boitiers est très difficile et surtout il est compliqué d’avoir un ajustement précis entre les pièces et donc une étanchéité réelle.

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka
Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

En oubliant la ligne et en imposant le millimètre comme mesure dans le design des montres, il permet d’améliorer grandement la conception des montres et d’avoir enfin des montres vraiment étanches en réduisant les espaces inutiles et en utilisant des joints d’étanchéité, une vraie révolution pour Seiko. Ce travail sur le standard millimétrique et la conception des premiers boîtiers de Seiko 5 est mené avec Hayashi Seiki Seizo, fabricant de boîtiers appartenant en partie à Seiko et fondé par un ancien employé de Daini Seikosha au début du XXème siècle.

Les Seiko 5 allaient bien être des montres day-date automatiques, étanches et fines, une vraie innovation pour l’époque !


La couronne à 4h

La couronne à 4h est une signature des premières montres mécaniques comme les Seikomatic, qui souligne le fait qu’il ne soit pas nécessaire de remonter la montre manuellement. C’était vraiment quelque chose d’exceptionnel puisqu’il n’existait pas en Suisse à cette époque une montre automatique, qui soit également fine et abordable. C’était donc une caractéristique centrale de ces montres que le design devait mettre en valeur.

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Malheureusement ce fut également la raison de nombreuses plaintes, puisqu’il était difficile de régler le jour et la date à l’aide de cette toute petite couronne bien planquée. Le design de cette petite couronne est repris des Seikomatic qui ne proposent ni jour ni date et avec lesquelles on manipule donc assez peu la couronne. Mais ce n’est pas le cas des Sportsmatic 5. Si la montre s’arrête, il faut faire tourner les aiguilles jusqu’à avoir réglé correctement le jour et la date, ce qui peut s’avérer long et fastidieux. Les plaintes venaient d’ailleurs majoritairement de vendeurs qui devaient d’abord secouer la montre un moment pour la remonter (pas de remontage manuel), puis la mettre à l’heure avant de la remettre au client.

Taro Tanaka dût vite trouver une solution de dépannage. Il trouva des petits tubes de plastique d’un centimètre de long qui faisaient exactement la bonne taille pour aller sur les couronnes et Seiko les distribua aux revendeurs. Cette solution étant plus un bricolage qu’autre chose, le défaut de la couronne fut réglé par la suite, que ce soit avec des couronnes plus faciles à manipuler ou avec de nouvelles fonctions implémentées dans les nouveaux calibres des générations suivantes.


Le bracelet métal

Enfin le bracelet en métal. Jusque là, toutes les Seiko (et la majorité des montres du marché) étaient offertes sur des bracelets en cuir, voir éventuellement sur des bracelets synthétiques (type nylon/nato). Mais les Seiko 5 étant étanches, le cuir n’était pas adapté et il fallait un bracelet en métal par soucis de durabilité. Cependant à l’époque les bracelets n’étaient pas en acier comme aujourd’hui et globalement d’assez mauvaise qualité. Seiko travailla donc d’arrache pied avec leur fabriquant de bracelets (qui semblerait s’appeler Piano si on en croit la gravure du fermoir d’origine) pour proposer un modèle en acier et de bonne facture, symbole de modernité, de robustesse et d’étanchéité pour la montre.

Brochure de l’été 1964Credit: www.theseikoguy.com

Brochure de l’été 1964

Credit: www.theseikoguy.com

Les Seiko 5 de cette période seront donc toutes équipées de bracelets en métal aux designs souvent assez spécifiques.

Le résultat de ce travail est un design que Taro Tanaka considère aujourd’hui encore comme son design le plus réussi, qui lui valut d’ailleurs le premier Good Design Award remporté par Seiko. Il s’agissait tout simplement de la première montre au monde à recevoir ce titre.

Un futur collector incontournable

Les Seiko 5 sont donc nées du talent et de la passion pour le marketing du brillant chef de produit Ren Tanaka, du génie du design du grand Taro Tanaka, d’un calibre créé par le meilleur concepteur de mouvement de la marque Tsuneya Nakamura. Ces montres font partie des premières montres automatiques créées après les Gyro Marvel (à l’instar des Seikomatic), des premières montres réellement étanches de Seiko grace au standard millimétrique, lancées avec en ligne de mire les fameux JO de Tokyo en 1964. Avec un tel pédigrée, il est étonnant que ces montres ne soient pas encore des collector ultra demandés !

 

Les 5 caractéristiques des Seiko 5?

On entend souvent que le 5 des Seiko 5 vient des 5 caractéristiques que doivent avoir ces montres. Seulement voilà, on trouve plein de versions différentes de ce que sont ces 5 « valeurs ».

En fait ce nom fut donné par Ren Tanaka lui-même qui trouvait qu’il donnait un côté jeune et dynamique et il souhaitait utiliser un chiffre impair pour ces mêmes raisons. Un nom anglais (prononcé “five” y compris en Japonais), facile à prononcer et signature de la première gamme de la marque conçue aussi bien pour le marché interne qu’international, ça n’est pas rien et c’est une première pour Seiko !

Les caractéristiques principales nécessaires aux Seiko 5 étaient assez évidentes dès le début (mouvement automatique, jour et date dans un même guichet, étanchéité) mais n’ont pas eu d’impact dans le choix du nom de la gamme.

L’idée de raccrocher à ce nom 5 « valeurs » ou caractéristiques est une idée purement marketing développée dans un second temps.

Le site actuel des Seiko 5 Sports liste ces 5 points:

  • Remontage automatique

  • Jour et date dans un guichet unique

  • Etanchéité

  • Couronne en retrait à 4h

  • Boîtier et bracelet durables


Mais dans le numéro de Septembre 1963 de Seiko News, on peut lire une version différente:

  • Remontage automatique

  • Jour et date dans un guichet unique

  • Étanchéité

  • Un design au charme virile (oui oui)

  • L’usage raisonnable de rubis (synonyme de montre de qualité, symbole à l’époque de robustesse et de fiabilité).


Même dans les publications de Seiko de l’époque, ces caractéristiques changent. Aujourd’hui on lit d’autres choses comme l’utilisation du Diaflex (alliage spécial pour le ressort de barillet) ou du Diashock , le système antichoc de Seiko. Il existe plein d’interprétations différentes. Wikipédia par exemple cite comme premier point le fait de donner l’heure (utile pour une montre), d’autres séparent le jour et la date en deux critères différents pendant que d’autres parlent simplement de robustesse...

Au final, ça n’est pas bien important puisqu’il s’agit ni plus ni moins qu’un argument commercial et qu’on comprend aisément que les Seiko 5 sont dans tous les cas des montres daydate automatiques, étanches et robustes.

 

L’évolution de Seiko 5

Première génération

Seiko Sportsmatic 5

Lors de sa sortie en 1963, les 5 s’appellent d’abord les Sportsmatic 5. Elles se distinguent des Seikomatic qui sont une autre famille de montres automatiques nées un peu avant et dont le mouvement de base diffère.

Les Sportsmatic 5 viennent de la famille « Sports » avec les Sportsman, Sportsman 7, Sportsman 17, Sports Lady, Sports Lady 17 et sont l’évolution (ou du moins les proches cousines) des Sportsmatic sorties peu avant.

Les premières Sportsmatic 5 utilisent les anciennes références qui commencent par J et la taille du mouvement en Lignes, soit la J13081 pour le premier modèle. Comme expliqué plus haut, la Ligne fut vite abandonnée et donc ces références aussi. La J13081 devient donc très vite la 41897, dont le 41 vient de la référence du calibre 410. La 41897 existe en 3 déclinaisons: boîtier plaqué acier et cadran argenté ou cadran gris anthracite, et boîtier plaqué or avec cadran argenté et aiguilles et index dorés. Il existe également une version plus rare, la 41898 avec boîtier plaqué or, cadran doré et réhaut noir.

Brochure de Noel 1964

Brochure de Noel 1964

Cette première génération a donc quelques caractéristiques spécifiques que vous pourrez facilement identifier:

  • Un logo peint à 12h avec la toupie (dérivée du logo Gyro Marvel), Seiko Sportsmatic puis le blason avec le 5

  • À 6h la mention WATERPROOF, Diashock 21 Jewels et enfin le fameux logo Applique Dial (que l’on retrouve uniquement sur cette première génération)

  • Le calibre 410, donc pas de référence commençant par 6606 ou 6619 (bien qu’il semble exister des modèles de transition avec le cadran AD et la référence 6606-8970)

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Ces montres étaient étanches, sans préciser la profondeur. Ce ne sont clairement pas des montres pour plonger mais elles faisaient partie des montres présentées dans les campagnes d’été sur les montres étanches et cette caractéristique était souvent mise en avant dans la communication de la marque.

Le prix

À sa sortie, cette première génération de Sportsmatic 5 coûte entre 8,000 et 9,800 yens.

Pour comparaison, la Seikomatic Slimdater coûte environ 13,000 yens et la 57GSS coûte 27,000 yens (cf catalogue

Brochure de Noel 1964

Brochure de Noel 1964

À partir de Décembre 1964, le calibre 410 devient le calibre 6606, ainsi que son évolution le 6619 très peu de temps après. L’évolution principale apportée par le 6619 est l’ajout d’un push date, soit la possibilité de changer la date par une pression sur la couronne, une caractéristique rajoutée pour répondre aux plaintes des vendeurs dont on a parlé un peu plus tôt.

Il s’agit du premier modèle de Seiko équipé de cette fonction très pratique.

Résumé

Il existe deux types de Sportsmatic 5:

  • Les Sportsmatic 5 équipées du calibre 410 référence J13081 ou 41897/41898, commercialisées de Septembre 1963 à Décembre 1964, remplacées par les modèles équipés du calibre 6606.

  • Les Sportsmatic 5 équipées du calibre 6619 push date, sorti en 1965.

Ces montres seront commercialisées jusqu’en Juillet 1967.



Seiko Sportsmatic 5 Deluxe

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Dès Mai 1964, Daini Seikosha sort une gamme légèrement supérieure aux classiques Sportsmatic 5, les Sportsmatic 5 Deluxe, avec un boîtier en acier massif cette fois-ci. Ces modèles ont un logo appliqué à 12h et utilisent le calibre 7606. Ce calibre descend directement du calibre de la Fairway (calibre 761), qui deviendra celui des Champion 850 et des Sportsmatic calendar 820. Le calibre 820 sera renommé calibre 7625 (par rapport à sa filiation au 761 de la Fairway). C’est sur ce 7625 (équipé seulement de la date) que sont basés les 7606. La fonction push date est maintenant assurée par un bouton-poussoir situé à 3h, séparé donc de la couronne. On a affaire à un produit de gamme intermédiaire, amélioration de la première génération de Sportsmatic 5.

Daini proposera ensuite une version équipée du 7619 qui proposent en plus le stop-seconde. Il s’agit là des Seiko 5 première génération les plus abouties.

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Encore une fois, le fait que Daini sorte un produit légèrement au-dessus de celui de Suwa en terme de gamme montre bien la rivalité qui anime les deux centres de productions de Seiko !

Les prix

Les Sportsmatic 5 Deluxe se vendent entre 9,800 et 12,000 yens et les version équipées du 7619 se négocient elles entre 10,500 et 12,500 yens.

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Brochure Été 1965

Brochure Été 1965

Résumé

Il existe deux types de Sportsmatic 5 Deluxe:

  • Les Sportsmatic 5 Deluxe équipées du calibre 7606 et disponibles de Décembre 1964 à Juillet 1967

  • Les Sportsmatic 5 Deluxe équipées du calibre 7619 et disponible de 1965 à Juillet 1967



Cette période allant de 1963 à mi-1967 marque la première ère des Seiko 5 avec les Sportsmatic 5 (cal.410/6606), les 66 Sportsmatic 5 (cal.6619) de Suwa et les Sportsmatic 5 Deluxe (cal.7606) et les 76 Sportsmatic 5 Deluxe (cal.7619) de Daini. Selon les sources, il se serait vendu entre 5 et 7 millions de ces montres uniquement sur le marché Japonais. Il n’existe pas à ma connaissance d’estimations pour les ventes globales.

Deuxième génération



Généralités

En Juillet 1967, le logo de la gamme est modernisé pour devenir l’écusson que l’on connaît classiquement aujourd’hui. Le nom Sportsmatic est abandonné pour simplement Seiko New 5. Ces nouveaux modèles sont équipés du calibre 51 pour les modèles Daini et 61 pour les modèles de Suwa.

Elles viennent donc en remplacement des Sportsmatic, avec des designs plus modernes et des calibres de nouvelle génération et plus fins. La pression est importante car la première génération a rencontré un succès historique et ce rafraîchissement de la gamme doit continuer sur la même lancée.

À l’image des Sportsmatic 5 qui ont eu une gamme normale et une gamme Deluxe, les New 5 suivront la même organisation. Par contre cette fois-ci, autant Suwa que Daini développeront une gamme normale et une gamme Deluxe, devenue DX.




Daini

Daini sort sa New 5 en Juillet 1967 avec son calibre 5126, suivi des New 5 DX en Octobre, animées par les calibre 5139. Ce mouvement propose le stop-seconde et le système de rétention d’huile Diafix qui font défaut au 5126, ce qui se traduit par un empierrement de 27 rubis contre 23 pour le 5126.

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Suwa

En Juillet, ce sont d’abord les New 5 DX que Suwa commercialise avant de sortir les New 5 en Octobre. On retrouve le 6119 dans les New 5 et le 6106 dans les New 5 DX. Le 6106 est le mouvement de base dans la famille de montres équipées du calibre 61, que ce soit les chronographes 6139 et 6138, les plongeuses 6105 ou encore les 61GS.

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Au-delà des différences de calibres que l’on retrouve entre les New 5 « normales» et les Deluxe, ces dernières sont plus qualitatives avec des logos appliqués par exemple.


Les prix

Chez Daini, les New 5 coutent entre 10,500 et 13,500 yens alors que les New 5 DX se négocient entre 13,500 et 15,500 yens.

Chez Suwa, les New 5 coutent entre 9,000 et 12,000 yens alors que les New 5 DX se négocient entre 12,00 et 15,000 yens.

Pour remettre les choses dans leur contexte, dans ce même catalogue, la 62GS day-date en acier coûtait 38,000 yens contre 44,000 pour la version plaqué or, la 44GS coutant elle 24,000 yens et la 62MAS 13,000 yens. Les prix des Seiko 5 DX correspondaient à ceux des Lord Marvel 36000 ou de la 44KS acier. Le Crown chronograph coûtait à ce moment seulement 8,500 yens.

Résumé

Il existe deux types de New 5:

  • Les New 5, avec deux versions, celles de Daini avec le calibre 5126 et celles de Suwa avec le calibre 6119

  • Les New 5 DX, avec deux versions, celles de Daini avec le calibre 5139 et celles de Suwa avec le calibre 6106

Remplaçantes des Sportsmatic 5 et Sportsmatic 5 Deluxe, les New 5 et New 5 DX sont donc la seconde génération de Seiko 5. Commercialisées de Juillet 1967 à Novembre 1969, elles seront remplacées par une troisième et dernière génération: les 5 Actus et les 5 Sports


Troisième génération


À la fin des années 60, le succès continue d’être au rendez-vous pour les Seiko 5, mais les choses évoluent vite aussi bien au niveau horloger qu’au niveau des modes et de la société. Les New 5 sont donc remplacées par deux familles de Seiko 5: les 5 Sports et les 5 Actus.

Seiko 5 Sports

Le mois de Juin 1968 signe également l'arrivée d’une gamme non moins mythique: les Seiko 5 Sports. Jusque là, les Seiko 5 étaient considérées comme des montres habillées étanches, mais Seiko introduit ici ce qu’ils appellent des montres « dynamiques » ou sportives.

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Les Seiko 5 Sports répondent à quelques lignes directrices:

  • Étanchéité à 70m

  • Cadrans colorés

  • Verre hardlex à trempage spécial

  • Lunette tournante (interne ou externe) pour afficher facilement un temps écoulé

  • Système antichoc Diashock

  • Jour et date dans un guichet unique

  • Remontage automatique efficace

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On retrouve parmi ces nouveautés de nombreux modèles très connus aujourd’hui comme les Rally Divers, Sushi Roll ou la Kamen Rider. Il s’agit là d’une continuité des New 5 puisqu’on retrouve à l’origine les mêmes mouvements: les 6119 et 6106 pour Suwa et le 5126 pour Daini, le 5139 ayant été abandonné. Puis dans un deuxième temps, Daini proposera le calibre 7019.

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Pour y voir plus clair entre les différents modèles, regardons séparément les productions de Suwa et de Daini.

Daini

Entre Juin 1968 et fin 1970, Daini commercialise les 5 Sports équipées du calibre 5126 qui seront remplacées dès fin 1970 par des modèles équipés du calibre 7019 que l’on retrouvera jusqu’en 1973.

Suwa

De Juin 1968 à fin 1970, Suwa propose le calibre 6119 dans ses 5 Sports.

De Juin 1968 à fin 1969, on retrouve le calibre 6106 en version 25 rubis, qui sera remplacé fin 1970 par une version 23 rubis.

Les Seiko 5 Sports de Suwa disparaîtront fin 1971 mais Suwa continuera de proposer celles qui sont incontestablement les Seiko 5 les plus populaires de tous les temps: les chronographes Seiko 5 Sports Speed-Timer.

Les prix

Les Seiko 5 Sports de Suwa coutent entre 10,500 et 15,000 yens. Chez Daini, les 5 Sports se négocient entre 12,500 et 15,500 yens pour celles équipées du calibre 51 et entre 11,000 et 12,500 yens pour celles équipées du calibre 70.

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Résumé

Les Seiko 5 Sports ont été commercialisées de Juin 1968 à 1973. On retrouve quatre grands types de Seiko 5 Sports:

  • Les modèles de Suwa équipés du calibre 6119, distribuées de Juin 1968 à fin 1970

  • Les modèles de Suwa équipés du calibre 6106, distribuées de Juin 1968 à fin 1971

  • Les modèles de Daini équipés du calibre 5126, distribués de Juin 1968 à fin 1970

  • Les modèles de Daini équipés du calibre 7019, distribués de fin 1970 à 1973

Les Seiko 5 Sports ont rencontré un très grand succès, aussi bien au Japon qu’à l’internationale. Mais on ne peut pas parler de Seiko 5 Sports sans évoquer les plus populaires d’entre toutes: les Seiko 5 Sports Speed-Timer.

Seiko 5 Sports speed-timer

Les Seiko 5 Sports Speed-Timer sont à la fois les Seiko 5 les plus populaires de tous les temps et les plus importantes historiquement, puisqu’il s’agit ni plus ni moins des premiers chronographes automatiques commercialisés au monde ! Une raison de plus, s’il en fallait, de faire rentrer les Seiko 5 dans l’histoire… Pogue, Bullhead, Kakume, Holy Grail, Sunrise, ces icônes étaient toutes des Seiko 5 Sports avant tout !

Le 21 Mai 1969, Suwa Seikosha commercialise au Japon et à l’international les 6139-6000 et 6139-6010. Quand Heuer et Zénith annoncent l’existence de leurs prototypes de chronographes automatiques début 1969, Seiko a déjà entamé la production de ses modèles commerciaux.

Les 6138 sont quant à eux sortis des ateliers de Suwa en Juin 1970 quelques mois après le 7017 de Daini. Ce dernier sera remplacé en Novembre 1972 par le 7015.

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Les Speed-Timer calibre 70 font leur dernière apparition dans le catalogue de 1975 Volume 2.

Les Speed-Timer calibre 61 sont commercialisées sous le nom Seiko 5 Sports jusqu’en 1976. Dès 1977, la mention 5 Sports disparaît des cadrans et ne laisse place qu’au nom Speed-Timer. Les Speed-Timer sortent de collection fin 1978, mettant fin définitivement aux Seiko 5 Sports.

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Les prix

Chez Suwa, les Speed-Timer 6139 coutent entre 16,000 et 21,000 yens alors que les 6138 coutent entre 19,000 et 24,000 yens.

Chez Daini, les Speed-Timer 7017 coutent entre 13,500 et 18,500 yens alors que les 7015 coutent entre 14,500 et 18,500 yens.

Résumé

Il existe quatre types de Seiko 5 Sports Speed-Timer:

  • Les modèles équipés du calibre 6139, commercialisés de Mai 1969 à fin 1978

  • Les modèles équipés du calibre 6138, commercialisés de Juin 1970 à fin 1978

  • Les modèles équipés du calibre 7017, commercialisés de 1970 à 1972

  • Les modèles équipés du calibre 7015, qui remplacent le 70SP en Novembre 1972 et sont commercialisés jusqu’à fin 1975

Seiko 5 Actus

En Novembre 1969, Seiko introduit les Seiko 5 Actus. Une des caractéristiques de ces Actus est d’avoir pour la première fois le jour en anglais ou en japonais. Pour y voir un peu plus clair, nous allons encore une fois séparer les production de Suwa et de Daini.

Suwa

Suwa propose toujours son fameux calibre 6106 mais cette fois-ci en deux déclinaisons: une version 23 rubis et une version 25 rubis. Cette différence permet de proposer des produits un peu plus abordables. La version 25 rubis sera abandonnée à partir de 1976.

Sur les 5 Actus calibre 61, une pression sur la couronne permet de changer la date et une pression forte sur la couronne permet de changer le jour.

Ces modèles se reconnaissent d’un coup d’œil grâce au logo SS appliqué à 6h sur le cadran, juste au-dessus du log de Suwa. SS signifie Second Setting puisque pour la troisième fois, une Seiko 5 est équipée du stop seconde (la première étant les Sportsmatic 5 Deluxe 7619 et les New 5 DX de Daini et leur 5139).

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Daini

De son côté, Daini remplace son calibre 51 par le 70 en lançant le 7019. Dans la filiation des mouvements, le calibre 70 vient en remplacement du calibre 76. Le calibre 51 est un mouvement d’une toute autre lignée.

Sur les 5 Actus de Daini, la pression sur la couronne permet de changer le jour alors que la date peut être changée rapidement de manière classique, en tournant la couronne.

Contrairement aux 5 Actus de Suwa, les 5 Actus équipées du calibre 70 n’ont que l’éclair de Daini à 6h et pas de logo appliqué.

En 1976, le 5 disparaît du nom et seule la mention Actus reste sur l’ensemble de la gamme. Les Actus resteront au catalogue jusqu’à 1978 pour Suwa et 1979 pour Daini, les Actus calibre 70 étant donc les dernières représentantes de la gamme Seiko 5 à rester au catalogue.

Brochure Rah Rah Seiko - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

Brochure Rah Rah Seiko - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

Le cas particulier des Silverwave

La famille des Silverwave est très intéressante et fera l’objet d’un article dans le futur, mais il est intéressant de noter la courte existence de quatre modèles Seiko 5 Actus Silverwave.

Ces modèles sont équipés du calibre 6306 de Suwa et apparaissent uniquement dans le catalogue de 1976 Volume 1. Compte tenu du changement de nom de la gamme 5 Actus cette année-là pour devenir simplement Actus, le catalogue de 1977 Volume 1 montre ces mêmes modèles avec seulement le nom Actus à 12h et la mention Silverwave à 6h. Dès le catalogue de 1977 Volume 2, ces modèles ne portent plus le nom d’Actus mais tout simplement de Silverwave.

Cette petite originalité dans la famille Seiko 5 aura le mérite de rajouter un nouveau mouvement à la gamme, le fameux 6306 de la Turtle JDM. On retrouvera d’ailleurs une dizaine de modèles d’Actus équipées de ce calibre après la disparition du 5 de ces cadrans, que je ne compte donc pas dans les Seiko 5.

Ces modèles étaient proposés au prix de 20,000 yens.

Prix

À leur lancement, les 5 Actus de Suwa (calibre 61) en 25 rubis sont proposés à 13,000 yens, contre 11,000 à 12,000 yens pour la version 23 rubis. À la fin de leur commercialisation, les prix se situent entre 13,000 et 20,000 yens.

Les 5 Actus de Daini (calibre 51) sont vendues entre 9,000 et 11,000 yens à leur sortie, puis entre 14,000 et 17,000 yens à la fin de leur commercialisation.

Résumé

Il existe deux types de 5 Actus:

  • Les 5 Actus équipées du calibre 6106 (en 23 ou 25 rubis), commercialisées entre Novembre 1969 et 1978

  • Les 5 Actus équipées du calibre 7019, commercialisées entre Novembre 1969 et 1979

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Comme nous l’avons vu avec cette troisième et dernière génération, le 5 a disparu des cadrans des Actus et des Sports entre 1976 et 1977. Cette disparition progressive du mythique 5 qui orne les cadrans de la gamme depuis 1963 annonçait en fait le déclin prochain de la gamme Seiko 5 sur le marché Japonais





Les abréviations

Tous ces modèles des Seiko 5 ont des abréviations que l’on retrouve dans les catalogues et qui permettent de très facilement distinguer de quelle génération et type de 5 on parle, comparables aux abréviations 62MAS, 44KS ou 56GS par exemple.

Première génération

  • Sportsmatic 5 calibre 410/6606: SMA 5

  • Sportsmatic 5 calibre 6619: 66SA 5

  • Sportsmatic 5 Deluxe calibre 7606: SMA 5D

  • Sportsmatic 5 Deluxe calibre 7619: 76-5D

Deuxième génération

  • New 5 Suwa calibre 6119: 61-5

  • New 5 Suwa DX calibre 6106: 61-5D

  • New 5 Daini calibre 5126: 51-5

  • New 5 DX Daini calibre 5139: 51-5D

Troisième génération

  • 5 Sports Suwa calibre 6119: 61-5

  • 5 Sports Suwa calibre 6106 (25j): 61-5D

  • 5 Sports et 5 Actus Suwa calibre 6106 (23j): 61-5A

  • 5 Sports Daini calibre 5126: 51-5

  • 5 Sports et 5 Actus Daini calibre 7019: 70-5A

  • 5 Sports Speed-Timer Suwa calibre 6139: 61SPM

  • 5 Sports Speed-Timer Suwa calibre 6138: 51SPH

  • 5 Sports Speed-Timer Daini calibre 7017: 70SP

  • 5 Sports Speed-Timer Daini calibre 7015: 70SPS

Comme vous pouvez le voir, les abréviations sont liées aux mouvements, donc un montre équipée d’un mouvement spécifique gardera son abréviation d’origine peu importe la gamme. On retrouve donc toujours le code 51-5 pour une New 5 ou une 5 Sports de Daini puisqu’elles sont toutes les deux équipées du calibre 5126.

C’est pour cette raison que les 5 Sports peuvent être considérées comme la continuité des New 5 bien qu’elle n’en portent pas le nom, puisque globalement elles reprennent les mêmes mouvements que ces dernières. J’ai tout de même souhaité séparer les deuxièmes et troisièmes générations en m’appuyant plus sur la chronologie et la durée dans le temps des différentes gammes plutôt que sur les calibres employés, mais on pourrait tout aussi bien considérer qu’il n’y a que deux générations, celles d’avant Juillet 1967 et celles d’après Juillet 1967.



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La fin des Seiko 5 Japonaises

Les Actus et les Sports seront les dernières Seiko 5 destinées au marché Japonais, disparaissant définitivement des catalogues en 1979.

La production et la distribution des Seiko 5 continuera en Asie du Sud Est jusqu’à aujourd’hui avec des dizaines et des dizaines de modèles emblématiques toujours équipés des calibres 61 et 70 puis finalement uniquement du fameux 7S, et plusieurs centaines de modèles pour hommes et pour femmes à des prix défiant toute concurrence.

À partir de 1979, les Seiko 5 ne sont donc plus distribuées au Japon, ce qui marque une quatrième ère dans l’histoire des Seiko 5, celle des Seiko 5 que j’appellerai les Seiko 5 « Asiatiques » en opposition aux Seiko 5 « Japonaises » produites de 1963 à 1979.

 

Le succès commercial

En 1967, Seiko avaient vendu plus de 5 millions de Seiko 5 sur le marché Japonais. Si on rajoute les New 5, les Actus et les Sports, l’estimation grimpe à plus de 10 millions de pièces. Sur cette même période, le nombre de Seiko 5 produites dépasse la production totale de montres automatiques en Suisse.

Mais bien que les Seiko 5 aient été arrêtées au Japon à la fin des années 70, elles ont continué à être produites et distribuées en Asie du Sud Est et ont continué à se vendre par millions sur l’ensemble du marché international jusqu’à nos jours.

Que ce soit par son succès entre 1963 et 1979, ou son succès après la disparition du marché Japonais, la gamme Seiko 5 est sans aucune doute possible la gamme la plus populaire de l’histoire de la marque, au point qu’elle soit presque devenue un synonyme de la marque en elle-même. Combien de site/forum/blog/amateur d’horlogerie conseille aux débutants en quête de montre abordable de se trouver une Seiko 5? Quel amateur de montre n’a jamais eu de Seiko 5?

Mais depuis sa disparition du marché Japonais, les Seiko 5 sont clairement devenues des produits d’entrée de gamme, ce qui n’était pas le cas jusqu’en 79 comme nous l’avons vu.

Le soucis, c’est que Seiko étant devenu clairement associé aux Seiko 5 sous nos latitudes, et ces Seiko 5 étant devenu uniquement des produits d’entrée de gamme, ça a clairement participé à cette vision réductrice de Seiko comme étant une marque d’entrée de gamme, proposant surtout des produits à bas prix.

Il n’empêche que pendant la quinzaine d’années où ces montres étaient conçues au Japon, les Seiko 5 étaient des produits de bonne voir très bonne qualité proposées à des prix abordables, sans pour autant être bas de gamme.

Mais c’est aussi, avec les plongeuses, la gamme qui a permis de populariser Seiko à l’international, profitant entre autres du tremplin des JO de 1964.

 

La crise Suisse des années 70

S’il est un sujet souvent incompris, c’est clairement celui de la crise horlogère qui a frappé la Suisse dans les années 70. Vous savez, la fameuse « crise du quartz ».

Pourtant, l’analyse des données économiques à notre disposition aujourd’hui permet de se rendre compte que cette crise ne doit rien au quartz puisqu’elle avait commencé dès la fin des années 60, avant la commercialisation des premiers quartz de Seiko. Il s’agit d’un sujet complexe qui sera traité dans un autre article, mais je peux d’ors et déjà vous rediriger vers les écrits de Pierre-Yves Donzé à ce sujet. Son analyse économique conclut que c’est en fait l’arrivée sur le marché mondial, à partir du milieu des années 60, d’une grande quantité de montres Japonaises de qualité équivalente aux Suisses et mais à des prix plus bas qui a mis à mal l’industrie horlogère Helvétique. Le quartz ne fut que le dernier clou du cercueil.

Cette crise était en fait une crise causée par la structure même du tissu industriel horloger en Suisse, très horizontalisée puisque reposant sur la sous-traitance, là où Seiko fonctionne de manière totalement verticalité, limitant les coûts et permettant donc de proposer des produits de qualité équivalente mais moins chers. Cette stratégie était une vision mise en place par le fondateur Kintaro Hattori après ses voyages en Europe et aux Etats-Unis à la fin des années 1800 et début 1900, preuve supplémentaire s’il en fallait du visionnaire qu’était Hattori !

Or, la majorité des montres exportées du Japon à cette période était composée de Seiko 5 ainsi que de plongeuses très populaires aux Etats-Unis. Il semble donc évident que les Seiko 5 ont joué un rôle déterminant dans l’objectif qu’avait fixé Shoji Hattori à cette période, objectif traduit par son slogan « rattraper et dépasser la Suisse ». Alors que la participation aux concours chronométriques des observatoires de Neuchâtel et Genève a permis à Seiko de rattraper et dépasser les Suisses du point de vue de la chronométrie, les premiers chrono automatiques 6139 et l’Astron 35SQ ont montré que Seiko avait rattrapé et dépassé la Suisse du point de vue de technique et de la technologie, et les Seiko 5 ont permis de rattraper et dépasser la Suisse d’un point de vue commercial, leur production dépassant celle de l’ensemble des montres automatiques Suisses à la même période.

 

La renaissance internationale

Après avoir été une gamme officielle de Seiko Japan de 1963 à 1979, puis après avoir été une gamme conçue et distribuée en Asie du Sud Est et non distribuée officiellement au Japon et en occident, les Seiko 5 font leur retour au sein du catalogue Seiko international en 2019 avec les Seiko 5 Sports, après exactement 40 ans d’absence.

Et pour marquer cette renaissance, Seiko a décider de revoir le design du logo de cette gamme, resté inchangé depuis 1967 ! La forme du blason reste mais le 5 et stylisé pour suivre les contours du fameux emblème pensé et dessiné par Ren Tanaka.

Comme à l’origine, les Seiko 5 Sports s’adressent à nouveau à un public plutôt jeune avec des montres abordables mais de qualité, mais également avec deux axes intéressants.

Le premier est l’inspiration de la culture des “mods”, ces Seiko modifiées et personnalisées avec des pièces aftermarket, particulièrement avec les SKX mais aussi quelques modèles de Seiko 5. En effet, Seiko propose maintenant de très nombreuses variations de son modèle de base inspiré de la SKX007, avec plusieurs styles ou univers et beaucoup de déclinaisons différentes. Un vrai plaisir pour les clients et pour les moddeurs! On retrouve exactement la même philosophie avec le site “Custom Watch Beatmaker” qui permet de jouer avec différentes pièces pour assembler sa propre version de la Seiko 5 Sports moderne. Et si votre design remporte le plus de vote, il peut devenir un modèle commercialisé !

L’autre axe intéressant est celui des produits se rattachant à la culture populaire, avec les séries de Seiko 5 Sports Street Fighter, One Piece, Brian May et Naruto que l’on a vu sortir ces derniers mois. Tout laisse à penser que nous verrons à l’avenir d’autres séries dans ce style, ancrées dans les culture pop et qui rencontrent un énorme succès chez les clients plutôt jeunes de la marque !

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Les critiques que l’on entend beaucoup contre ces montres, malgré leur immense succès, est l’augmentation du prix et le fait que ce soit « trop cher pour une simple Seiko 5 ». Bien que la question du repositionnement tarifaire de Seiko soit intéressante, je pense qu’il est intéressant de faire un petit retour en arrière et de se rendre compte que les Seiko 5 n’ont pas toujours été des montres bas de gamme au prix hyper contenu, mais plutôt des montres milieu de gamme novatrices et qualitatives, voir historiques pour les Speed Timer.

Pour rappel, les Actus coutaient entre 10 et 20,000 yens, une Divers 6105 Naomi Uemura 20,000 yens, les Speed-Timer en moyenne dans les 20,000 yens aussi contre environ 30,000 yens pour une KS et entre 45 et 50,000 yens pour une GS classique.

Il faut donc garder en tête que les Seiko 5 n’ont pas toujours eu cette image, ça n’a pas toujours été les montres les moins chères possibles, mais au contraire c’est une gamme historique avec une énorme importance, qui a toujours su proposer des montres de bonne qualité mais abordables à la plupart des gens. C’est là la volonté qu’avait Ren Tanaka en créant ces Seiko 5.

 

Conclusion

Il est quand même assez paradoxal de constater que les “Five” constituent la gamme la plus populaire de Seiko depuis près de 60 ans et que c’est finalement une gamme dont l’histoire est très mal connue et comprise !

Oui, elles sont en grande partie devenues des montres entrée de gamme fabriquées par millions en Asie du Sud Est, mais elles ne sont pas que ça !

Elles ont été avant tout une gamme de qualité, emblématique des années 60 et 70, conçues à l’origine par le même trio de légendes à qui l’on doit Grand Seiko, elles ont figuré parmi les premières montres automatiques de Seiko, parmi les premières montres étanches du groupe, elles sont l’autre symbole des JO de 1964, elles représentent un des plus grand succès de Taro Tanaka. C’est également la première gamme de Seiko conçues aussi bien pour le marché interne que le marché international. C’est dans cette gamme que le retrouve les premiers chrono automatiques au monde et cette gamme fut une des raisons principales de la crise dramatique que l’horlogerie Suisse a traversé dans les années 70.


Les Five sont devenues aujourd’hui un des principales incarnations de Seiko et j’espère qu’à travers cet article, j’ai pu redorer un peu le fameux blason qui orne ces montres depuis plus d’un demi siècle !

Sources:

The International Horological Correspondance nº430 - Février 1996 - Taro Tanaka - “ファイブ” を覚えていますか?(Remember Seiko 5?)

Ryugo Sadao - The history of the Seiko Speed-Timer

Mori Takeshi - Domestic Watch – Seiko Automatic Updated Volume

https://www.plus9time.com/blog/2018/1/15/original-first-sportsmatic-five-bracelet

https://www.plus9time.com/blog/2017/11/4/original-five-features-of-sportsmatic-5

https://www.theseikoguy.com/catalogs

http://forumamontres.forumactif.com/t202714-revue-3615-ma-life

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Arnaud.A Arnaud.A

Taro Tanaka au-delà de Grand Seiko

Le nom de Taro Tanaka est quasi systématiquement associé à Grand Seiko, mais sa carrière compte de nombreux autres grands faits d’armes qui font de lui une des personnes les plus importantes de l’histoire de Seiko. Malheureusement, ces hauts faits sont trop souvent ignorés et l’impact qu’a eu Taro Tanaka sur l’évolution de la marque est toujours sous-estimé. Voici qui devrait changer avec cet article !

Les amateurs de vintage et/ou de Grand Seiko sont pour la plupart familiers avec ce nom: Taro Tanaka.

Embauché en 1959 par K Hattori (qui deviendra ensuite Seiko Watch Corporation), il est le premier designer industriel à rejoindre les rangs de l’entreprise. Son nom est intimement lié à Grand Seiko puisque c’est lui qui a mis au point les règles de la fameuse «Grammaire du Design», cet ensemble de préceptes esthétiques qui donnent son identité visuelle à la marque.

Mais Taro Tanaka est un grand incompris. En effet, réduire son oeuvre à Grand Seiko est une grande erreur. Je rajouterais aussi que la «Grammaire du Design» en elle-même est souvent mal comprise, quand bien même c’est la chose pour laquelle il est le plus connu.

L’impact qu’a eu Taro Tanaka sur Seiko dans son ensemble est absolument immense et on peut clairement dire que Seiko ne serait pas là où ils sont aujourd’hui sans lui. 

Alors servez vous un verre de votre breuvage préféré, sortez votre plus belle veste en tweed et ajustez votre moustache, aujourd’hui nous allons marcher dans les pas du grand Taro Tanaka ! Et on va aussi en profiter pour démonter quelques idées reçues en passant.

Credit Image: The Seiko Book

Credit Image: The Seiko Book

Comme nous l’avons vu il y a peu, Taro Tanaka a bénéficié d’un mentor exceptionnel en la personne de Ren Tanaka (ils partagent le patronyme le plus répondu du pays et je ne me permettrais pas de les appeler par leurs prénoms, désolé).

Ren Tanaka a toujours été le supérieur direct de Taro Tanaka et a eu une influence importante sur sa carrière, du début à la fin. Alors que son mentor a donné à Seiko son image d’entreprise (logo, couleurs officielles, uniformisation de l’image), Taro Tanaka a quant à lui, comme nous allons le voir, donné une identité visuelle aux montres. À eux deux, ils ont littéralement changé la face de Seiko à partir de 1960.

Il me semble important de revenir sur la carrière de Taro Tanaka en quelques points.

Je tiens à préciser qu’il n’est pas possible dans un seul article de rentrer dans les détails de chaque sujet, il faudra donc aujourd’hui  vous contenter d’un survol pour essayer de mettre en avant l’importance de Taro Tanaka au-delà de Grand Seiko.


1959, le jeune Taro Tanaka, fraichement diplômé de l’école d’ingénieur de Chiba en design industriel rejoint K Hattori.



Idée reçue numéro 1: Taro Tanaka était un employé de Suwa Seikosha

C’est faux. Je ne sais pas d’où vient cette fausse information que l’on retrouve relayée dans de trop nombreux articles à ce sujet, mais c’est faux. Taro Tanaka dirigeait le service de design de ce qui deviendra Seiko Watch Corporation et travaillait donc à la fois avec Suwa et avec Daini. Il donnait des directives aux deux usines, celles-ci proposaient des mouvements ou des idées. Hiérarchiquement, Taro Tanaka est au sommet de la pyramide pour ce qui concerne le design. Il travaillait au siège du groupe, à Ginza. C’est d’ailleurs la localisation qui l’a poussé à rejoindre Seiko.

Le siège de Seiko Watch Corporation à Ginza de nos jours - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

Le siège de Seiko Watch Corporation à Ginza de nos jours - Credit Anthony Kable www.plus9time.com

En 1960, après avoir pris ses marques et découvert les différents fonctionnements de l’entreprise, le jeune Tanaka se retrouve confronté à deux problèmes. Le premier est qu’on lui demande de s’inspirer des montres Suisses pour dessiner les montres, ce qui bride clairement la créativité des designers. Le second est plus complexe. Il faut savoir qu’à cette époque, les designers ne font pas ce qu’ils veulent mais doivent utiliser des mesures spécifiques pour le boitier, le cadran et le verre des montres, en s’appuyant sur un tableau duquel ils ne peuvent pas s’écarter. Mais comme ça ne suffit pas, ils utilisent en plus une unité de mesure héritée de l’Ancien Empire: la ligne. Une ligne correspond à un douzième de pouce, soit l’équivalent de 2,2558 mm. L’unité la plus petite est le quart de ligne, soit 0,564mm. Et pour couronner le tout, ces dimensions sont ensuite arrondies, ce qui rend la tâche très compliquée, d’autant plus que les dessins, prototypes et produits finaux sont tous à des échelles de taille différentes, ce qui donne lieu à de vrais casse-têtes entre conversion ligne/mm et chiffres arrondis manipulés dans tous les sens.

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

Le tableau qu’utilisent les designers de Seiko avant Taro Tanaka
Credit: The Horological International Correspondance nº427 - 1995

Mais les problèmes de ce système de la ligne ne s’arrêtent pas là. La plupart des sous-traitants qui font les boitiers et les cadrans sont passés au système métrique et travaillent avec une tolérance de l’ordre de 0,05mm, soit dix fois plus précis que la plus petite division d’une ligne. 

Entre les mesures aléatoires et la différence de tolérance entre le design et la conception, la fabrication des pièces d’habillage est donc peu précise, ce qui amène à beaucoup de gâchis de matériaux lors de la fabrication et un ajustement entre les pièces très approximatif. Les conséquences directes sont évidentes: faire des produits modernes, en grand nombre, de qualité et vraiment étanches et durables (surtout dans un pays aussi humide que le Japon) est très difficile.

Ce système pose encore de nombreux autres soucis mais je ne rentrerai pas d’avantage dans les détails puisque vous avez compris l’idée générale: la ligne et le standard de design utilisé, c’est l’enfer.

Seulement deux ans après son arrivée, Taro Tanaka va donc révolutionner l’approche du design chez Seiko en créant un nouveau standard qui remplacera l’ancien tableau imposé aux designers et en abandonnant la ligne. Il se réunit donc avec les designers de K Hattori, de Suwa Seikosha et de Daini Seikosha, soit au total pas plus de 10 personnes, et met au point ce nouveau standard millimétrique, en entente et collaboration avec leurs sous-traitants.

Cette nouvelle façon de concevoir les montres adoptée en 1961 va fondamentalement changer le fonctionnement des choses et du point de vue du design, Seiko va rentrer dans une nouvelle ère, avec des designs et des boites beaucoup plus modernes et une meilleure étanchéité. Cette nouvelle approche va également poser les jalons de ce qui deviendra la «Grammaire du Design», mais nous y reviendrons, chaque chose en son temps.


Le premier projet sur lequel Taro Tanaka va pouvoir se pencher avec son nouveau standard est proposé et dirigé par Ren Tanaka. Il s’agit de créer une gamme de montres de qualité, produites en masse pour le marché international et qui cible les jeunes. Ces montres auront tout pour plaire: étanchéité, remontage automatique, jour et date, un look sportif mais pas extrême, une montre qu’on peut porter en toutes circonstances, à la plage, au sport, sous la douche, au travail. Bref, absolument tout ce qu’on peut demander d’une montre moderne et même un peu plus. Pour son époque, c’est un produit très qualitatif et novateur. Mais en plus, il sera proposé à un prix tout à fait abordable puisqu’on vise ici les jeunes. Et c’est évidemment Taro Tanaka qui sera mis à la tête du design pour ce projet, nommé par Ren Tanaka «Sportsmatic Five», un projet qui n’aurait jamais pu être mené à bien sans le nouveau standard de design imposé par Taro Tanaka. 

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Credit: Anthony Kable www.plus9time.com

Le jeune designer aura l’idée révolutionnaire de placer le jour et la date dans une seule et même fenêtre unique à 3h. A l’époque, cette complication n’est pas courante et on indique généralement le jour de la semaine en entier, dans une fenêtre située à 6h ou à 12h, comme la fameuse Day Date de Rolex (sortie seulement quelques années avant ) par exemple. Mais dans les années 50, les ingénieurs de Seiko ont travaillé d’arrache pied pour mettre au point des montres où les informations sont regroupées: heures, minutes et secondes sont affichés par des aiguilles toutes situées au centre du cadran. On lit l’heure d’un coup d’oeil, de façon bien plus ergonomique. Pour Taro Tanaka, il devrait en être de même pour le jour et la date. Ce détail, pas si anodin que ça à l’époque, donnera naissance à une des caractéristiques de la marque.

La Sportsmatic 5 ref 41897 de 1963 C

La Sportsmatic 5 ref 41897 de 1963
C

L’autre caractéristique de la Sportsmatic Five est la couronne dissimulée à 4h dans la carrure de la montre, pour souligner l’efficacité du système automatique Magic Lever sorti en 1958. Déjà utilisé dans la gamme Seikomatic, cette caractéristique deviendra aussi un des symboles de Seiko.

Encore une fois, on touche ici à un sujet extrêmement riche et significatif et je ne rentrerai pas trop dans les détails dans cet article.

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Mais il me semble quand même important de rappeler que la première Sportsmatic 5 commercialisée en 1963 a été la première montre au monde à recevoir le Good Design Award.





La gamme Five sera un succès planétaire immédiat (entre autres grâce aux JO de Tokyo en 64), devenant un symbole à part entière de Seiko avec plusieurs dizaines de millions de montres produites depuis près de 60 ans. Elles joueront également un rôle déterminant dans la montée en flèche de l’horlogerie Japonaise dans les années 60 et dans la crise horlogère Suisse des années 70 et 80, bien plus que le quartz ! Une autre idée reçue à oublier: ce n’est pas le quartz qui a causé la crise horlogère Suisse, mais ça n’est pas le sujet d’aujourd’hui...

Un dernier point sur les Seiko Five: d’après Taro Tanaka lui-même, la 41897 de 1963 reste à ce jour encore son design le plus réussi.



Idée reçue 2: Taro Tanaka = Grand Seiko



Comme je l’ai déjà dit en introduction, on résume trop souvent Taro Tanaka à son implication dans le design des Grand Seiko, mais il a eu d’autres incroyables réussites qui ont participé à donner à Seiko son image comme nous le voyons tout au long de cet article.

Mais il est vrai qu’on ne peut pas parler de Taro Tanaka sans parler de la fameuse «Grammaire du Design»...


Idée reçue n3: son vrai nom n’est pas la grammaire du design, mais le «Seiko style»


L’idée a germé dans la tête de Taro Tanaka en 1962 alors qu’ils comparait la production horlogère Suisse aux montres Seiko proposées à Wako. Un an plus tôt, il a mis au point le nouveau standard de design de Seiko, ce qui permet plus de créativité et d’évolutions en terme de design, mais la marque peine à trouver ses marques et la comparaison avec les Suisses est toujours aussi inévitable. Il décide donc de pousser la démarche plus loin et de dresser un cahier des charges de consignes à suivre qui doivent donner à Seiko un style qui leur est propre et assurer le succès commercial de ces montres.

Il faut bien se rappeler qu’en 1962, Grand Seiko n’est pas une marque ou une gamme mais un seul modèle, le modèle le plus haut de gamme de Seiko. Donc quand Taro Tanaka commence à se pencher sur la question, son but est de mettre en oeuvre un langage esthétique propre à Seiko dans sa globalité, d’où le nom de «Seiko Style» (prononcé à l’anglaise même en Japonais, ou plutôt à la japanglaise).


Idée reçue n3bis: la Grammaire du Design n’est pas propre à GS et KS...mais...


Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le Seiko Style n’est pas propre à Grand Seiko ou King Seiko, puisqu’il est pensé pour donner une identité visuelle et attirer le client sur l’ensemble de la marque. Mais...mais mais mais...un des points du Seiko Style est l’utilisation de surfaces parfaitement planes, polies de sorte à ne présenter aucune distorsion, c’est le fameux zaratsu. Il en va de même pour les index et les aiguilles. Or, un tel travail demande un vrai savoir-faire et énormément de temps à des ouvriers hautement qualifiés, ce qui se répercute sur le prix final de la montre. On ne retrouvera donc ces caractéristiques pleinement exploitées que sur les montres haut de gamme que sont King Seiko et Grand Seiko. Ce qui ne signifie pas que le Seiko Style n’a pas été utilisé à une moindre échelle sur le reste de la production, bien au contraire. En fait le Seiko Style est une philosophie globale, dans laquelle on retrouve différents “courants” ou différentes applications dont la plus complète se retrouve dans les Grand Seiko à partir de la 44GS.

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Donc comme nous venons de le voir, l’idée du Seiko Style germe dans la tête de Taro Tanaka en 1962. On pense d’ailleurs souvent à tort que l’idée lui est venue comme une épiphanie, un jour de flânerie sur les Champs Elysées de Tokyo, mais il n’en est rien.

Taro Tanaka utilise une expression très spécifique quand il raconte cette histoire. Il dit qu’avec le design terne des Seiko à cette époque, il était impossible de «dépasser la Suisse». En fait, ces mots ne sont pas les siens mais ceux de Shoji Hattori, président du groupe depuis 1946 et dont le mot d’ordre était «Rattraper et dépasser la Suisse» (expression reprise par Pierre-Yves Donzé pour son livre éponyme fabuleux). 

C’est cette idée de dépasser la Suisse qui anime l’entreprise depuis quelques années et qui sera le moteur de tous ses succès dans les années à venir. Mais en attendant, Taro Tanaka planche pour créer un langage visuel qui permettre à Seiko de dépasser la Suisse et donnant une image reconnaissable et luxueuse à ses montres.

Sans revenir sur les différentes règles érigées par Taro Tanaka, le reste de l’histoire est claire: la première montre à incarner parfaitement ces règles est unanimement la 44GS sortie...5 ans plus tard !

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On est donc en mesure de se demander ce qu’il s’est passé pendant 5 ans ! Surtout que lorsqu’on regarde quantité de montres sorties entre 1962 et 1967, on est parfaitement en droit de se demander à quel point le Seiko Style les a influencé, voir même si la 44GS est vraiment la première montre estampillée «Grammar of Design».


Prenons exemple sur la deuxième Grand Seiko sortie en 1963, la 57GSS. Il s’agit de la première montre à bénéficier en partie du fameux polissage zaratsu et elle montre quelques prémices du Seiko Style avec son cadran plat, son double index à 12h, ses aiguilles biseautées etc. Mais elle ne coche pas non plus toutes les cases, avec beaucoup de surfaces arrondies et courbées, sa couronne non intégrée à la carrure, pas d’inclinaisons inversées pour la carrure etc. On peut également penser aux King Seiko comme la King Seiko Calendar (4402) ou la Chronometer (4420), qui laissent entre-apercevoir comment le design évolue progressivement chez Seiko sous la houlette de Taro Tanaka.

44KS ChronometerCredit: Ikigai Watches

44KS Chronometer

Credit: Ikigai Watches

57GSS “Toshiba Special” Credit: Ikigai Watches

57GSS “Toshiba Special”
Credit: Ikigai Watches

Il me semble clair que durant ces 5 années de développement, Taro Tanaka a fait évoluer ce qui allait devenir la fameuse «Grammar of Design» comme on aime l’appeler, en mettant au point certaines règles (le cadran plat date du nouveau standard de design en 1961) et en incorporant peu à peu certains détails dans différentes montres, avant d’aboutir à celle qui sera la plus parfaite expression, la fameuse 44GS de Daini.

Je pense qu’il faut donc voir le Seiko Style non pas comme une vérité absolue établie en 1962 et utilisée en 1967, mais comme une idée qui a fait son chemin dans la tête de son créateur pour évoluer et murir jusqu’à sa plus belle expression dans le chef d’oeuvre de Daini, la 44GS.

Taro Tanaka était un homme raffiné et élégant, et cette image colle parfaitement avec l’image que l’on peut avoir de Grand Seiko. Mais il n’a pas fait que des montres habillées, loin de là ! Il a également marqué l’histoire de Seiko avec la gamme Five comme nous l’avons vu, mais aussi avec les montres sportives et professionnelles.


C’est à lui que l’on doit le design des nombreux chronographes de poche sortis par Seiko à l’occasion des JO de 1964, ainsi que leurs évolutions pour les Jeux d’hiver de Sapporo en 1972. Difficile de faire plus sportif comme pédigrée pour une montre que la participation à deux Jeux Olympiques !

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Modèle amélioré pour les JO de Sapporo 72’ Credit: Seiko Museum

Modèle amélioré pour les JO de Sapporo 72’
Credit: Seiko Museum

Il est également à l’origine de nombreux modèles de plongeuses.


Seiko 6215 et 6159 300mCredit: photo trouvée sur vintagewatchco.com sans citer de source autre que Google Image

Seiko 6215 et 6159 300m

Credit: photo trouvée sur vintagewatchco.com sans citer de source autre que Google Image

C’est à lui que l’on doit le design des toutes premières plongeuses professionnelles de Seiko avec la 6215 et l’année suivante la 6159-7000. Puis il planchera 7 années durant sur la montre ultime pour les plongeurs professionnels, suite à une lettre de plainte écrite par Hiroshi Oshima en 1968, un scaphandrier de la Japan Marine Industry Company, dont la 6159-7000 avait tout simplement explosé lors de la décompression de sa capsule. 

Taro Tanaka travailla en étroite collaboration avec les plongeurs du port de Kure à Hiroshima (également connu pour être la plus grande base navale du Japon et le port d’attache du Yamato) pour développer une montre qui réponde à l’ensemble de leurs besoins. Le jeune ingénieur Ikuo Tokunaga, fraichement diplômé de la prestigieuse Université de Waseda en 1970, travaillera sur le projet mais la paternité de la montre, son design et tout le travail de collaboration avec les équipes de la Japan Marine Industry dès 1968 reviennent bien à Taro Tanaka.

Sortira en 1975 celle qui sera considérée comme la meilleure montre de plongée au monde, la mythique 6159-7010 Grandfather Tuna. Pour cette montre, Tanaka travailla au développement d’une matière lumineuse avec Nemoto Special Chemical, une entreprise Japonaise spécialisée dans les peintures lumineuses depuis 1941. Face au tritium et autres matière lumineuses radioactives alors utilisées communément en horlogerie, son but est de créer, pour les plongeurs de Hiroshima, une peinture lumineuses non-radioactive. Cette peinture exclusive à la Grandfather Tuna, appelée «NW Luminous», sera la première peinture lumineuse blanche et non radioactive au monde, une réelle innovation dans l’histoire de l’horlogerie, et sera donc l’ancêtre de fameux Lumi Brite de Seiko. En 1993, Nemoto vend la licence «Luminova» aux Suisses, tandis que le Lumi Brite reste un produit différent, breveté par Seiko.

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Mais bien que cette montre propose une quantité impressionnante d’innovations, de brevets et de premières mondiales, elle sera remplacée 3 ans plus tard, en 1978, par une version encore plus pointue et cette fois-ci équipée d’un mouvement à quartz: la non moins mythique 7549-7000 Golden Tuna.

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Cet autre échelon dans l’histoire globale des montres de plongée (première plongeuse à quartz au monde) sera également la toute dernière montre conçue par Taro Tanaka. En effet, lorsque Shoji Hattori décède le 29 Juillet 1974m un jeune cadre prometteur du groupe Seiko estime qu’il n’y a pas besoin d’un bureau de design et celui-ci est dissout en 1974, laissant à Daini et Suwa toutes les responsabilité de ce qui concerne le design des montres, sans une autorité qui chapeaute cette lourde tache et donne les directives comme le faisait Taro Tanaka depuis 1959.

De manière assez ironique, lorsque Suwa voulu sortir la Golden Tuna après la dissolution du studio de design, aucun designer n’était en mesure de concevoir une telle montre et ils durent donc faire appel à Taro Tanaka en tant que chef produit.

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi la Golden Tuna vient de prendre une toute autre dimension !

Vous devez donc vous demander ce qu’est devenu Taro Tanaka après la dissolution du studio de design de K Hattori (future Seiko Watch Corp).

Et bien à nouveau, il resta sous la direction de son mentor de toujours, Ren Tanaka, qui établit en Février 1976 le Service Client de K Hattori. Taro Tanaka en fut le manager ainsi que le responsable de la production des catalogues jusqu’à la fin de sa carrière.

Des années plus tard, Seiko Watch Corp. re-créera son studio de design à Tokyo, se rendant compte de la grave erreur commise en 1974, mais cette fois-ci sans Taro Tanaka, déjà parti à la retraite. Ce studio est aujourd’hui dirigé par le talentueux Nobuhiro Kosugi.

La carrière de designer de Taro Tanaka n’aura duré au final qu’une grosse quinzaine d’années, mais il aura fait passer Seiko dans l’ère moderne et aura été un acteur décisif dans la course engagée et remportée par Seiko contre la Suisse. Il mit son talent au service d’une politique globale lancée par Shoji Hattori, fils de Kintaro Hattori, il donna un visage à Seiko et créa aussi bien des montres très populaires comme les Five, des montres très luxueuses avec de nombreuses Grand Seiko, des plongeuses avec la 6105 ou la 6159 300m, des sportives avec les chrono des JO de 64 et 72 ou des montres spéciales avec les Tuna 600m pour lesquelles il fut l’instigateur de ce qui deviendra le Lumi Brite et le Luminova.

Au-delà des montres en elles-même, il mit au point le système de référence de format xxxx-xxxx toujours d’actualité et aida également Seiko à se structurer en interne avec les catalogues, à une époque où Seiko ne garde presque aucune trace de l’inventaire et des résultats des ventes de chacune de ses références.


Taro Tanaka reste à mon sens un des plus grands noms de l’histoire de Seiko et de l’horlogerie en général et j’espère que ce résumé vous aura aidé à mieux apprécier l’impact monumental qu’il a eu au-delà de Grand Seiko.

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